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henri perrot photographe

Le 20 novembre au musée des Beaux-Arts, Florence Desnouveaux présentera son spectacle, Sur le dos d’une mouche, réalisé avec la complicité de Mathilde Pigallet. Découvrez ici comment se crée un conte qui associe les arts de la parole aux arts visuels!

 

Entretien avec Florence Desnouveaux.

Votre spectacle est créé sur mesure pour le musée des Beaux-Arts. Comment avez-vous travaillé, quel a été le processus de création d’un tel travail ?

Le projet a été initié par Sylvie Pétron, de l’ADAO. Elle savait que j’intervenais dans des musées d’art moderne depuis quelques années. Elle a été le relai de confiance entre Mathilde Pigallet, du Musée des Beaux-Arts, et moi-même. Comme je suis éloignée physiquement de Brest, nous avons longuement discuté au téléphone. J’avais besoin de savoir ce qui avait été fait, comment et sur quel thème. J’avais besoin d’éléments techniques : quelles œuvres ne sont pas trop regardées, quelle est la dimension des œuvres, comment elles sont situées… Mathilde m’a laissé toute liberté sur le choix du thème et de la formule de spectacle.

Notre conversation a permis de faire émerger le thème de l’envol, qui m’a fait penser à un conte, puis un autre etc. Les idées sont venues peu à peu. Avec Mathilde, nous avons procédé par rebonds. Ce processus d’élaboration est précieux pour moi car nous sommes au cœur de ce qu’est le l’art du conte pour moi : un art de la relation. 

Mathilde m’a ensuite envoyé le plan du musée, le catalogue des œuvres et le choix des œuvres que nous avions retenues, ainsi que l’endroit où elles étaient exposées. Je me suis attablée durant quelques jours pour rêver, regarder les œuvres et laisser monter les histoires jusqu’à la surface de mon imagination. Ensuite, j’ai continué ce travail de table pour trouver un lien entre les histoires, choisir les œuvres et imaginer une balade virtuelle.

Puis, le temps de l’incorporation des histoires est arrivé. C’est un temps long, qui ne sera achevé que le jour du spectacle. Il me reste encore une étape importante : celle de la répétition in situ pour adapter ce que j’ai travaillé à la singularité du lieu et capter comment le tout se rencontre et s’articule. À chacune des étapes de ce processus de création, il y a des moments de découverte intense, des émois de rencontre et des frissons de peur. C’est très vivant.

Avez-vous sélectionné les tableaux en fonction de ce que vous souhaitiez raconter, ou avez-vous conçu votre narration en fonction des tableaux qui vous ont frappée ?

Comme je n’ai pas pu voir les œuvres en vrai, j’ai eu besoin des mots de Mathilde Pigallet pour entrer en contact avec elles. Mathilde est passionnée, donc passionnante. C’était une grande chance. J’ai pu choisi les œuvres, en les visionnant sur mon ordinateur, mais surtout en écoutant Mathilde en parler. Bon, en même temps, à l’entendre, chaque œuvre avait son intérêt et j’ai failli tout choisir ! Le spectacle aurait été beaucoup trop long. Le public se serait endormi et il est interdit de dormir dans un musée, surtout dans un état d’urgence !

Le choisi de l’envol et le choix d’une balade ont été déterminants dans le choix des œuvres.

Comment voyez-vous l’articulation entre la parole et l’image, dans ce travail et en général ?

L’articulation entre la parole et l’image se fait par contamination sensible. Le spectacle in situ que je propose est pensé comme une matière sensible. Le cadre des histoires est posé. À partir de là, j’improvise les mots, la parole. Je le fais en résonance avec ce que l’œuvre m’évoque et me renvoie. Cela a quelque chose à voir avec le rêve ou le souvenir, porté par l’oeuvre et l’histoire ensemble. L’articulation n’est pas toujours apparente car il ne s’agit pas d’illustration, mais bien d’évocation.

Quelles sont les étapes marquantes de votre parcours de conteuse ?

Les étapes marquantes tiennent à des lieux et à des gens et à des spectacles.

Pour les lieux, je citerais le musée du Petit Palais, à Paris, où j’ai débuté ; le Centre de Littérature Orale, où j’ai découvert le vaste monde de l’oralité et des contes populaires ; et enfin, la maison du conte de Chevilly Larue, où j’ai trouvé et développé mon sillon de conteuse entre corps et parole.

Pour les gens, il s’agit des conteurs qui m’ont ouvert la porte de la transmission : Bruno De La Salle, Praline Gay-Para, Abbi Patrix.

Pour les spectacles, le premier est la vidéo d’une vieille conteuse racontant en patois une histoire de diable. Le second est un conteur japonais racontant en japonais une histoire de fumeur. Pour les deux, j’ai été sous le charme hypnotisant de leur expressivité corporelle. Tous leurs muscles participaient à la racontée, si bien que je n’avais pas besoin de traduction pour comprendre leur langue. J’ai été subjuguée par cet aspect spectaculaire de l’humain s’exprimant sans forcer mais totalement habité. C’est ce que je recherche encore et encore.

Vous travaillez au sein d’une compagnie (La Compagnie des épices) très pluridisciplinaire. Comment se fait l’alchimie entre tous ses membres et tous les artistes qui gravitent autour d’elle ? 

La pluridisciplinarité (il y a beaucoup de syllabes !) n’est qu’apparente. Avec recul, je m’aperçois que les rencontres se font de façon presque naturelle. Les porteurs de projets (dont je fais partie) ont une idée, et plus celle-ci nous habite et plus nous rencontrons des gens intéressés à cette idée. Le tout se fait à la vitesse de l’escargot le plus flâneur qui soit. La Compagnie des Epices a vingt-trois ans et est parisienne. Le facteur temps et le facteur urbain se conjuguent admirablement pour faire se rencontrer des personnes venant d’univers différents. Nous en bénéficions avec grand plaisir. 

Comment définiriez-vous l’importance du conte et des arts de la parole ?

Oh la la, définir une importance du conte et des arts de la parole ? C’est un tel espace de rencontre, de mémoire, d’imaginaire, de beauté et de fragilité humaine, que c’est tout simplement essentiel à la vie en collectif. C’est l’art de la Relation Humaine, avec toutes ses épaisseurs.

 

Œuvres choisies pour la balade contée par Florence Desnouveaux.

Toutes les œuvres sont dans les galeries du rez-de-chaussée du Musée des Beaux-Arts de Brest.

René DUVILLIER, Oyonnax, 1919 – Paris, 2002, Vol en ciel, vol en mer, 1992, Huile sur toile, Don Pierre Larock, 1995

Édouard MANET, Paris, 1832 – Paris, 1883, Deux perroquets, Huile sur toile, Don Mademoiselle Dubreil, 1976

Louis Ambroise GARNERAY, Paris, 1783 – Paris, 1857, Le naufragé, Huile sur toile, Don M. Yannick Bideau, 1992

Anna QUINQUAUD, Paris, 1890 – Fontenay-Trésigny, 1984, Danse « La Papanga » (oiseau), 1933, Plâtre, Don de l’artiste, 1980

 

Représentations le dimanche 20 novembre à 14h30 et 16h30, sur réservation uniquement.

 

Retrouvez le programme du festival ici:

https://associationadao.wordpress.com/category/festival-grande-maree/

Et avec nos amis de la webradio Oufipo, retrouvez toutes les interviews et reportages du festival : http://oufipo.org/2016-Festival-Grande-Maree.html 

 

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About the Author

Notre agrégée de lettres passe en revue tous les articles, les relit, les corrige. Elle écrit pour différentes revues des articles de recherche en littérature et sciences humaines et s’appuie également sur ses multiples casquettes pour développer les partenariats du Poulailler, en russe, en français, en italien… Natalia pratique le théâtre amateur et bavarde à longueur de journée (en russe, en français, en italien…).

 

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