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Assister à un concert de musique improvisée, c’est prendre un risque. Le même, peu ou prou, que d’assister à une expérience alchimique dans le laboratoire de Zosime de Panopolis. Le procédé est similaire, si l’on prend le temps d’y penser: la recherche de l’esprit d’un corps, par distillation et sublimation de la matière, afin de pouvoir le réintroduire dans une autre matière et d’en changer ainsi la nature. Pour cela, on a recours à diverses substances volatiles, qui dégagent des effluves envoûtants, soufrés, amers ou sucrés. Ici, c’est la matière sonore qui est ainsi mise à nu, décomposée, travaillée, pétrie, afin de re-créer les conditions d’une nouvelle musicalité. Et l’incroyable avantage de cette alchimie sonore, c’est de ne faire courir aucun risque d’explosion. Le danger est mesuré, la tornade est sonore et les vibrations des instruments entrant en résonance ne sont pas cancérigènes. Mais finalement, le résultat est le même : l’expérience change le monde, et l’homme.

L’autre avantage de ces expériences, c’est qu’elles ne sont en rien ésotériques, qu’il ne vous faudra pas vous mettre à la recherche de manuscrits perdus de la bibliothèque d’Alexandrie, mais juste vous asseoir dans un canapé, pas très loin de chez vous. Le Beaj Kafe fera très bien l’affaire, par exemple. Le mardi soir, sur les coups de 19 heures, pour être tout à fait exact. Depuis trois mois, Nautilis invite des musiciens-chimistes de Brest et des environs (parfois même des très larges environs) à se livrer à ce jeu de la création. Cela s’appelle fort à propos le Beaj Klub. Il s’est déjà passé de belles choses, rue Branda, et comme les belles choses n’ont pas de fin, les musiciens de Nautilis continuent.

 Voici ce qu’ils en disent.

La programmation du Beaj Klub court jusqu'en juin. Vous avez trouvé votre rythme de croisière?
En tout cas, la volonté y est! Les premiers retours sont plutôt encourageants, nous avons eu de très belles choses au Beaj Kafe, et la programmation à venir est également enthousiasmante!

Le Beaj Klub fonctionne-t-il selon l'esprit des workshops new-yorkais?
Oui et non. En réalité, tout part de l'idée que la musique est une substance en évolution, et nous ne cherchons pas à mettre au point un produit fini. Il y a deux tendances, deux aspects différents en termes de programmation. Il peut s’agir d’instantanés, où des musiciens qui se connaissent ou se rencontrent pour la première fois proposent un moment d’improvisation et de création unique. Mais nous profitons également du Beaj Klub comme un espace d’expérimentation, où sont dévoilés des chantiers, des projets en cours de montage. Les présenter grandeur nature permet de mesurer la réception du public. C'est le cas par exemple de Christophe Rocher et de Nicolas Pointard qui travaillent sur un spectacle jeune public, et qui ont pu faire une étape au Beaj Kafe.

Faire se rencontrer des musiciens qui ne se connaissent pas relève de la gageure; y a-t-il eu des ratés?
Pas pour le moment! Disons plutôt que certaines rencontres ont été plus fructueuses que d’autres, mais que globalement toutes ont été intéressantes. De toute façon, le risque reste mesuré, car la programmation est pensée aussi en termes de compatibilité des musiciens. Évidemment, l’objectif reste de sortir des sentiers battus et de notre zone de confort, mais lorsque nous invitons un artiste, nous menons un travail d’écoute et de recherche afin de déterminer quel musicien de Nautilis est le plus à même de s’entendre avec lui.
Cela correspond à notre idée de la pratique musicale, in fine, où la rencontre et le travail d'écoute sont au cœur du projet. Un raté, si cela devait arriver, il faudrait le vivre comme une étape et transformer l'échec en opportunité.

A contrario, y a-t-il des projets qui se sont montés suite à une rencontre au Beaj Kafe?
Pas pour le moment. Mais il ne s'agit pas non plus d'un speed dating de musiciens! Ces mardis sont représentatifs de la musique improvisée: un travail dans le temps, tout en restant instantané. Au-delà, ce n'est même pas la temporalité qui importe, mais la création d'univers inconnus qui se créent lors de la rencontre des univers propres des musiciens. Il n'y a pas de programme!

Cela vous oblige à sortir d'un cadre bresto-brestois?
Ce sont surtout les idées et les gens qui se présentent qui font la programmation. Bien sûr, élargir le cercle des musiciens ouvre beaucoup plus de perspectives. Et nous profitons du dynamisme de la scène brestoise pour provoquer des rencontres.

Avez-vous votre cercle d'habitués?
Pas encore, mais on espère qu'il va se constituer. Tous nos concerts sont simples et très accessibles, et on le ressent dans l'ambiance que cela dégage. On fera un point en septembre,  parce que nous voudrions mettre au point une saison complète, de septembre à juin. On est encore dans une phase de rodage, disons, dont les débuts sont prometteurs.

Que diriez-vous à un profane pour le convaincre d'assister à un concert de musique improvisée?
L’improvisation est un style de musique imprévisible et fondamentalement libre qui ne laisse jamais indifférent.
Le Beaj Klub, c’est une pochette-surprise musicale qui explose au centre d’un lieu atypique, et qui favorise la rencontre. Les néophytes curieux se mêlent en toute simplicité aux connaisseurs, et le caractère informel et convivial de ces sessions facilite vraiment la rencontre entre cette musique et son public.

 


Pour en savoir plus:

La programmation complète:

Retrouvez l'actualité de Nautilis et de NEMO ici
Le site du Beaj Kafe ici

About the Author

Elevé dans une ambiance sonore éclectique, musicien dans l’âme plus que dans les doigts, Matthieu apprécie les expériences nouvelles autant qu’une symphonie de Chostakovitch ou une gavotte. Son approche est souvent un peu décalée, parfois technique, et s’ancre librement dans le ressenti.

 

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