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On chercherait à tort dans "Humains malgré tout" une révolution musicale ou la volonté un peu prétentieuse de s'émanciper de la culture pop-rock. Axel Deval livre à l'inverse un album fin et délicat, qui assume avec maturité et aisance ses diverses influences, qu'elles soient musicales, littéraires ou cinématographiques.

Tout cela a mûri pendant l'année entière qu'il a passée à composer l'album, présenté non comme une succession de pistes, mais comme les tableaux d'étape d'une traversée du désert, depuis le doute, l'ombre, l'exil, jusqu'au retour de thématiques liées à l'amour, l'enfance puis à la conclusion désenchantée que le Bonheur est imparfait. Dix chansons aux textes délicats, travaillés, soupesés, dans lesquels les adeptes des jeux de pistes retrouveront qui un brin de Houellebecq, qui une pincée de Gabriel Garcìa Marquez, pour ne citer qu'eux. Axel Deval explique qu'au cours de l'année de genèse de l'album pendant laquelle il s'est coupé du monde et a "mis son âme en exil", "son cheminement, sa remise en question étaient à la fois personnels et introspectifs, et pointaient du doigt en parallèle l'influence du consumérisme et des nouvelles technologies dans notre société". Une dénonciation des excès, de l'aliénation, de la superficialité dans les rapports humains qu'ils engendrent, tout en restant "humains malgré tout, humains malgré nous".

Pour "conserver sa liberté", Axel a fait le choix jusqu'au-boutiste de mettre en musique ses textes, puis de les enregistrer lui-même. Il ne doit donc cet album qu'à lui-même, et va jusqu'à le chanter:

"Je raconte mes déboires,
les sanglots longs de ma tendre enfance
Sur la corde raide,
j'évolue en funambule,
sans besoin d'aide - et j'assume."
(Funambule)

 

"J'ai préféré mettre en évidence le côté artisanal de ce travail dans la communication, ayant tout réalisé seul en dehors du mastering et du visuel". Composées sans fioritures, les musiques sont simples mais bien écrites. On y sent des influences pop-rock et "chanson française" très diverses: Je doute a des accents de Daran, on croirait entendre du Lou Reed en écoutant les premiers accords de Deux cents jours de solitude, mais encore une fois, ce jeu de piste n'a pas forcément de sens.

Ces influences, qui tirent parfois même sur le classique et le flamenco, sont assumées, et Axel les revendique, dans la mesure où elles renforcent l'aspect évolutif du message qu'il souhaite faire passer. La guitare et le piano, instruments maîtres de l'album, sont efficaces sans virtuosité; ils portent les mélodies subtilement et sans excès. On peut regretter une batterie un peu trop sage et une basse qui manque également de fantaisie, conférant à certains titres une impression de trop lisse. Quelques orchestrations bien senties montrent malgré tout une belle maturité, même si elles pourraient parfois être mieux exploitées ou développées. Une mention particulière à Mon ange bizarre, qui s'ouvre sur de la poésie déclamée, façon spoken word, exercice dans lequel Axel se montre convaincant, et qui me semble être le titre emblématique de l'album.

L'exercice de l'album en solo n'est pas simple; les musiciens les plus exigeants s'y sont parfois brûlé les doigts - je pense à Eric Jonhson notamment, qui enregistrait seul pour maîtriser de bout en bout le résultat qu'il avait en tête. Nous n'en sommes pas là, mais les chansons d'Axel Deval méritent sans doute du live, une vie en dehors de l'album, maintenant que sa genèse, dans le secret et le silence d'un studio amateur parisien, est terminée et que l'auteur est sorti de son exil volontaire. Elles méritent des musiciens, quatre ou cinq, prêts à mettre leurs tripes dans le projet, pour donner plus de corps à l'ensemble. Elle méritent de la rondeur et de l'expression - et un public.

 

crédit photo : Robin Gatto

Extrait "Mon ange bizarre"

About the Author

Elevé dans une ambiance sonore éclectique, musicien dans l’âme plus que dans les doigts, Matthieu apprécie les expériences nouvelles autant qu’une symphonie de Chostakovitch ou une gavotte. Son approche est souvent un peu décalée, parfois technique, et s’ancre librement dans le ressenti.

 

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