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Le vendredi 4 et le samedi 5 novembre dernier, La Maison du Théâtre a accueilli au Stella, le spectacle L’Examen Moyak la nouvelle création de L’Agence du Verbe (22) écrite et réalisée par Pascal Rueff. Une expérience sonore hors du commun qui a plongé intensément les spectateurs dans les méandres d’une civilisation ravagée par des catastrophes nucléaires et en pleine crise de l’emploi.

 

Dès l’entrée en salle, une voix nous invite à mettre les casques audio individuels posés sur chaque siège. Elle nous explique que l’intégralité de la pièce sera sonorisée grâce au système de son binaural. Le public quelque peu incrédule s’exécute sans vraiment réaliser ce qui va se passer. C’est à l’extinction des lumières que la magie du son en 3D opère. Instantanément déconcerté, le public écoute le son se déplacer dans l’espace autour de lui. Une voix murmure à mon oreille puis à l’autre, se rapproche puis s’éloigne derrière moi. Me prend une irrésistible envie de me retourner, de percer les mystères de cet effet spectaculaire. Juste le temps d’analyser le son quelques instants que la scène prend vie. Nous sommes alors instantanément plongés au cœur d’un reality-show venu d’un autre monde.

Une présentatrice nous explique qu’un membre du public sera choisi en direct par la Nouvelle Agence Coloniale (NAC) et aura l’incroyable opportunité de quitter son statut de chômeur pour devenir « géniteur » et repeupler une ancienne zone interdite d’Ukraine. Des textes improbables se succèdent ensuite au milieu d’un décor minimal à peine éclairé par quelques néons. La speakerine sur son piédestal revêt un casque futuriste alors que rode à ses côtés un homme à l’allure préhistorique. Dans ce monde où les contrats de travail sont exprimés en minutes, elle nous vente les mérites d’un job de plusieurs mois et nous raconte la chance qu’aura l’homme ou la femme choisi par la NAC pour accomplir ce rôle. Une foule en délire réagit à l’annonce du vainqueur, choisi sur la sincérité de sa « lettre de motivation » et d’un discours prononcé plus tôt.

Cette foule est en réalité un « faux » public, des voix enregistrées qui réagissent en direct. Dans la salle, plusieurs personnes se retournent, d’autres tapent dans leurs mains, attirées par l’entrain de ce public virtuel. Cette expérimentation nous donne  l’impression d’être à côté d’une réalité parallèle. Immergés dans un univers troublant, nous ne manquons aucun détail de ce qui se déroule sous nos yeux et nos oreilles, sans pour autant participer à la scène. Durant une heure dix, nous devenons les fantômes de ce monde étrange et dévasté,à la fois étourdis par cette expérience et percutés par la pertinence des idées exprimées dans un flux impressionnant de mots. L’examen Moyak est une fiction sonore qui donne de la matière à réfléchir sur l’évolution de notre société en pointant du doigt les aberrations du genre humain vis-à-vis de la nature.

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