Le Petit Magic CirCus

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Il est des représentations dont on se souviendra pendant longtemps. A n'en pas douter, Mon CirQue en fera partie. Ce spectacle créé par la Compagnie des TaRaBaTes de Saint-Brieuc a ravi le jeune public brestois par sa créativité et son originalité, ce samedi 8 octobre à la Maison du Théâtre qui lançait à cette occasion sa saison Jeune Public avec le festival « Ah les beaux jours ! ». Mais avant de plonger dans l'univers onirique de Mon CirQue, saluons l'accueil chaleureux réservé aux enfants par la Maison du théâtre : goûter offert et espace de jeu réservé. Cette fin d'après-midi ne pouvait mieux commencer !

Le public installé, le spectacle tarde à commencer. Mais peut-être a-t-il déjà commencé puisque le décor est sous nos yeux… Une scène circulaire de cirque à l'ancienne, de lourds rideaux rouges que l'on devine être l'entrée des artistes, des chevaux debout sur leurs jambes comme saluant acrobates et prestidigitateurs à venir et ornant de part et d'autre les tentures, nous font d'ores et déjà glisser dans un autre univers… Mais que font ces deux grandes pièces de Légo ? Sans doute posées là pour nous donner un ordre de grandeur, elles nous donnent l'impression d'être dans un monde infiniment petit…

Soudain, Monsieur Loyal (Christophe Ecobichon), notre maître de cérémonie au costume suranné et aux dents de devant assez proéminentes, surgit plein d'enthousiasme sur scène et, dans une énergie qui nous réveille, nous énumère les numéros extraordinaires auxquels nous assisterons. Il nous garantit que ce que nous allons voir, on ne l'a jamais vu et on ne le verra jamais nulle part ailleurs. Il n'est pas seul : dans sa cabine posée juste à côté de la scène et dont elle ne sortira quasiment jamais, Gina (Fannytastic) est la femme-orchestre à qui Monsieur Loyal semble devoir se plier lorsqu'il n'est pas dans le bon ton ou le bon rythme. Le duo semble tout droit sorti d'Alice au pays des merveilles. Tout cela est bien intriguant : on a hâte, enfants comme adultes, de voir la suite.

C'est alors qu'entrent successivement en scène Perlino, le cheval fou qui n'en fait qu'à sa tête, et la très belle Isabella Podovna, l'écuyère« élevée au sein d'une des plus grandes familles de cosaques kazakhs », qui, en plus de ses talents de dresseur, nous offre un numéro de funambulisme : les yeux bandés, sans filet, elle marche sur un fil tendu à dix-huit mètres du sol. Apparaît ensuite un clown triste, mal rasé et au nez rougi, qui cherche à attirer désespérément l'attention de Gina dont il paraît très épris. D'ailleurs, ne sachant quoi inventer, il lui envoie des bulles de savon. Mais rien n'y fait... Il semble déranger terriblement Monsieur Loyal : est-ce parce qu'il n'a rien à offrir de sensationnel ou parce que Monsieur Loyal a deviné son manège avec Gina et en est jaloux ? On sent alors Monsieur Loyal un peu désespéré. Il nous avait promis de l'action et les choses semblent lui échapper : il perd le contrôle ! Il se ressaisit et nous promet à nouveau du jamais vu. Il fait alors entrer Sébastien Balabanov, le voltigeur moldave et moustachu, qui nous montre ses plus belles acrobaties toutes plus sensationnelles les unes que les autres : salto-arrière-appui-tendu-renversé, l'hirondelle et même un scratch ! Incroyable ! Gabi Ganesh, quant à lui, nous offre un très beau numéro de souffleur de feu et Boris Baramine soulève avec une facilité déconcertante des haltères dix fois plus lourdes que lui. Enfin l'illusionniste va peut-être réussir à transformer Gina en tondeuse électrique. Mais nous ne divulguerons pas la fin du spectacle ! Comme vous l'avez compris, c'est un spectacle hors du commun auquel nous avons assisté. C'était du jamais vu à Brest ni nulle part ailleurs ! Les enfants avaient les yeux qui pétillaient ! Et les grands aussi, je dois bien l'avouer !

Compagnie des TaRaBaTes

Ah ! Mais j'ai oublié de vous dire l'essentiel ! Tous, à l'exception de Monsieur Loyal et de Gina, sont des marionnettes à fils d'une quarantaine de centimètres, pesant 3 kg environ, taillées dans le bois et manipulées par Philippe Saumont dont l'agilité donne à ces pantins une présence et une vie intérieure assez remarquables. Isabella semble, en effet, avoir beaucoup de tendresse pour Perlino lorsque tous deux en un même mouvement se couchent à terre comme dans une étreinte. Pour tout dire, même si elles ne parlent pas et ne pensent pas ou inversement, ces marionnettes paraissent plus humaines que les deux personnages présents sur scène. Le petit clown est tellement triste qu'il est prêt à en découdre avec sa vie de marionnette. On le voit arrachant les fils qui le relient à la croix en bois – nommé « contrôle » par les spécialistes. Il y parvient. Il part en marchant semblant avoir conquis sa liberté mais le contrôle devient une croix qu'il traîne. Faut-il entendre par là qu'il valait mieux pour lui de rester une marionnette ?

Compagnie TaRaBaTes

Monsieur Loyal et Gina paraissent, quant à eux, bien raides dans leurs mouvements : on a l'impression de voir deux automates. « Ce sont de vrais gens ? », demande une petite fille assise derrière moi à sa maman. On peut se poser la question, en effet. Les yeux de Gina tournent dans leurs orbites de gauche à droite et de droite à gauche de façon mécanique. Son côté caméléon n'est pas là pour nous rassurer : ses changements de vêtements, sa voix montant très haut dans les aigus et descendant très bas dans les graves lorsqu'elle chante en allemand ou dans un anglais improbable – alors qu'elle semble être américaine – en font un personnage insaisissable et finalement assez angoissant.

Compagnie TaRaBaTes

Gina et Gégène – on apprendra de la bouche de Gina le petit surnom de Monsieur Loyal, seule marque de familiarité qu'elle se permettra, d'ailleurs – s'interrompent parfois brusquement de parler pendant quelques instants (ou est-ce là une ellipse ?) et recommencent comme si de rien n'était. Ils semblent étrangement dépendre de la fée électricité. Seraient-ils eux aussi des pantins qu'une instance supérieure manipulerait et qui s'en amuserait ? L'oculus présent sur le décor au-dessus des rideaux où entrent et sortent les artistes montre deux mains manipulant un contrôle et donne l'impression, un peu à la façon de Big Brother, que quelqu'un contrôlerait ce microcosme. Des bruits sourds viennent, d'ailleurs, confirmer cette impression : quelqu'un est au-dessus ! Monsieur Loyal est prêt à accuser l'illusionniste capable d'éteindre d'un coup toute la salle. Mais il faut se rendre à l'évidence, notre magicien n'est pas plus puissant que les autres, surtout, quand, à la fin, il s'effondre pour ne ressembler qu'à un tas de vêtements… Mais qui est à l'origine de ces bruits qui ne rassurent pas Monsieur Loyal ? Les deux grandes pièces de Légo posées sur scène et laissées là négligemment pourraient en être un indice : nous sommes peut-être dans une salle de jeu ou dans une chambre d'enfants. Les bruits confus proviendraient de cet être que nous ne voyons pas et dont dépend la bonne volonté de jouer et d'articuler ses personnages : un enfant ! A tout instant, dès qu'il le souhaite, tout peut s'arrêter et Monsieur Loyal le sait bien et redoute ces moments de silence et d'inaction. Gina et lui sont ses jouets : leur teint plus que pâle, les dents de lapin de Monsieur Loyal, les costumes réversibles de Gina qui font penser à ceux d'une poupée nous l'indiquent.

Mais faut-il forcément donner du sens à tous ces signes pour comprendre le spectacle qui nous était offert ? Pas nécessairement. D'ailleurs, tous les enfants présents dans la salle ne se posent pas toutes ces questions. A tous les coups, si on leur demande pourquoi les lumières s'éteignent à certains moments, ils répondront que c'est pour le « pestacle » ! Pour eux, il n'y a pas d'instance supérieure : il n'y a que la joie de l'illusion brisant ainsi toute fable métaphysique ! Ils assistent à un petit cirque magique pour leur plus grand bonheur et ce sont finalement eux qui se font le moins manipuler dans toute cette histoire !


Crédit photographique : Compagnie TaRaBaTes

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