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Déportée dans le camp de Ravensbrück en 1943, Marie-José Chombart de Lauwe, 92 ans aujourd’hui, a passé sa vie à se battre pour la cause des enfants, et défendre ses valeurs antifascistes, contre l’Occupation allemande, contre le colonialisme, contre la montée de l’extrême droite et toutes les formes de totalitarisme.

Militante historique de la Ligue des droits de l’homme, présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation, chercheuse au CNRS, la féministe Marie-José Chombart de Lauwe est un être d’exception, dont le regard plongeant dans le vôtre sans ciller intimide autant qu’il encourage.

En nos temps crépusculaires, lire et faire circuler Résister toujours, ses mémoires, est plus que jamais indispensable.

Rencontre courte mais essentielle à la librairie Dialogues, après une journée marathon passée auprès des élèves de la Cité Scolaire de L’Harteloire, qui l’avait invitée.

Dans ce climat, les idées extrêmes créent la peur, suscitent la haine en désignant les "coupables", les autres jugés "différents et dangereux".

Comment réagissez-vous après les attentats du 13 novembre dernier? Comment y répondre? Votre livre se termine sur les attentats contre Charlie Hebdo.

Je suis choquée par le retour du mal, de la violence extrême. Il faut y répondre par le rappel constant de nos valeurs.

Quelles sont vos valeurs fondamentales?

Ce sont les principes de la République - Liberté, Egalité, Fraternité - le respect de tout être humain au-delà de toute différence.

D’où provient votre énergie considérable?

Mon énergie ? Ma santé, qui a reposé dans mon enfance sur l’hygiène, et le sport que mon père pédiatre nous faisait faire. Mais, psychologiquement, moralement, je souhaite incarner toujours les valeurs de la Résistance, avec le plus de force possible.

En tant que féministe, comment envisageriez-vous l’écriture de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance?

Les écrits sur la Seconde Guerre mondiale oublient souvent la Résistance des femmes, à cette époque où elles n’étaient pas encore "citoyennes en droit", ne votant pas, mais citoyennes de fait dans de nombreuses formes de résistance, celles qui correspondaient alors à leurs rôles dans la vie quotidienne, alimenter, vêtir, imprimer des textes, jusqu’aux actions armées.

Quel souvenir gardez-vous d’Aimé Césaire lors de vos luttes anticoloniales communes?

Aimé Césaire était un voisin et un ami. Je suis allé le chercher pour retrouver avec lui mon mari et le libérer d’un commissariat, où il avait été emmené lors d’une manifestation contre la torture sur les Champs-Elysées, on était alors en pleine guerre d’Algérie.

Un an après la Libération, vous êtes frappée par "le ronron" - je vous cite - qui a de nouveau gagné une ville comme Rennes. Le conformisme vous est insupportable. Est-il au fond le prélude du fascisme?

Je dirais plutôt que c’est la passivité, l’indifférence. Dans ce climat, les idées extrêmes créent la peur, suscitent la haine en désignant les "coupables", les autres jugés "différents et dangereux".

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes générations?

Je dis aux jeunes de garder les yeux ouverts, et que les mécanismes d’exclusion peuvent exister près de chez eux, dans l’établissement scolaire qu’ils fréquentent, leur rue, leur quartier. Je leur demande d’être attentifs à ceux qui peuvent en souffrir.

Vous avez défendu toute votre vie la cause des enfants, notamment de l’enfance inadaptée. Pourquoi?

J’ai travaillé d’abord en neuropsychiatrie infantile sur les inadaptations entre les enfants et leurs différents milieux. Puis, plus largement sur les différents milieux de la société où la place de l’enfant est plus ou moins bien prise en compte. J’ai travaillé pour la Convention internationale de l’enfant de l’ONU entre 1979 et 1989, pour tenter de remédier aux différences carences que l’on peut constater. Elle se résume en trois "P" : Protection, Prestations - en équipements de soins et de formation- Participation, ce dernier point mettant l’accent sur l’écoute des jeunes, mais aussi la volonté de leur faire prendre conscience qu’ils participent pleinement à l’élaboration du monde de demain.

Marie-José Chombart de Lauwe, Résister toujours. Mémoires, Flammarion, 2015, 305p

Crédit photographique : Léa Crespi

About the Author

Agrégé de lettres modernes, chargé de cours à l’Université Bretagne Ouest, dont les recherches concernent notamment la littérature contemporaine. Journaliste free lance.

 

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