Life is so good, George Dawson

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Dossier « Sous le sapin »

« Je suis né au Texas il y a 102 ans ». Telle est l’accroche de Life is so good, un livre qui fait du bien : une véritable leçon d’optimisme donnée par un vieux monsieur, George Dawson, qui a pris le chemin de l’école à 98 ans. Pour apprendre à lire, à écrire. Non sans humour et sans avoir perdu une once de son charme, ce petit-fils d’esclave qui cardait le coton avec sa grand-mère, dès l’âge de 4 ans, raconte dans ses mémoires un siècle d’histoire : l’histoire de sa vie, étroitement liée à celles de l’Amérique et du XXe siècle. Une histoire de ségrégation où l’on affronte le Klan et ses lynchages (dont la scène très dure qui fait l’ouverture du livre), où l’on assiste à des vexations quotidiennes, où les Noirs n’ont pas d’autre place que celle qui leur a été imposée par les Blancs, doivent respecter les maîtres, où l’on croise des jeunes recrues obligées de changer de wagons à leur retour au pays, après la grande guerre.

C’est à Marshall, au Texas, que George Dawson nous emmène. Une ville où le Klan fait circuler ouvertement des tracts et tout le monde sait qui en sont les auteurs. La première scène n’épargne pas : à 10 ans à peine, le petit George assiste à la mort de son copain Pete, lynché sous ses yeux. Lui-même manque de se faire tabasser, adolescent, pour la seule raison qu’il a réussi à maîtriser un cheval qui avait jeté à bas tous les Blancs qui avaient tenté de le dresser. Nous sommes au début du XXIe siècle et George, pourtant, n’oubliera jamais. « Aujourd’hui j’ai 102 ans – disait-il en 2000, année de la parution de sa biographie – Mais je me souviens du jour où ils l’ont tué. Je revois cette horreur comme si c’était hier. Je ne pourrais pas me libérer de mes souvenirs, même si je le voulais. Oui, j’ai vu toutes ces choses en un siècle, des bonnes et des mauvaises. Ma mémoire fonctionne bien. Je peux vous raconter tout ce que vous voulez savoir. »

Raconter, il l’a fait. Cette vie d’un siècle méritait bien un ouvrage. « J’ai toujours rêvé d’apprendre à lire. Personne n’a jamais deviné que je ne savais pas, et j’ai su garder mon secret. J’aurais été tout à fait capable de lire et mon cerveau fonctionne aussi bien que celui de n’importe qui. Mais c’est ainsi. Toute ma vie j’ai trop travaillé pour avoir le temps d’aller à l’école. » Après avoir pris ses premiers cours, à l’âge de 98 ans, il est aidé par son ami Richard Glaubman, instituteur, pour raconter ses mémoires. Plusieurs journées passées ensemble à discuter, magnétophone en marche, à jouer aux dominos, à retourner sur les traces du passé, à Marshall et ailleurs. Pour se souvenir, pour faire partager un récit qui vaut tous les élixirs de jouvence.

Aîné de cinq enfants, né en 1898, celui qui aimait pêcher les poissons-chats a trimé dans les ranchs du Texas et dans les ports du Mississippi, a sillonné le Vieux Sud avec les vagabonds dans les trains, est monté jusqu’au Canada dans l’unique but de voir la neige, a élevé une famille très nombreuse en pleine ségrégation raciale : marié quatre fois et quatre fois veuf, père de plusieurs enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants… Il a affronté toutes sortes d’épreuves qui jamais ne l’ont empêché de devenir centenaire, de conserver son optimisme à toute épreuve. « Fils, on n’apprend pas tout dans les livres. Le bon sens a encore de beaux jours devant lui. Elzenia et moi, on en avait à revendre ! Et on avait beaucoup d’amour aussi. Une famille a besoin d’amour pour bien fonctionner. »

Ce dernier a même réussi à cacher à ses enfants qu’il ne savait ni lire ni écrire tout en les aidant à faire leurs devoirs. La supercherie sera avouée, des années plus tard. Et c’est fidèle à lui-même, empreint d’une grande énergie, qu’il nous raconte cette aventure qu’est la sienne. Une magistrale leçon de sagesse et d’humilité, qui prouve une fois de plus, s’il en est besoin, que le bonheur n’est jamais bien loin.

George Dawson, Life is so good, 2000, Petite Bibliothèque Payot

 

 

About the Author

Journaliste. Adepte de festivals et de concerts de tout genre, elle écoute beaucoup de choses (Dalida, en particulier) mais n’aime pas tout. Elle écume surtout les soirées brestoises pour rencontrer celles et ceux qui y apportent des vagues. Et discuter avec eux de musique, de littérature, de photographie, de cinéma ou, après tout cela, bien entendu… de Dalida.

 

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