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Kognitif est un beatmaker* francais, il fait la première partie de Wax Tailor pour toute sa tournée « By any beats necessary » 2016 (dix-huit dates dans toute la France – et plus), avec un univers musical à base de soul, de trip-hop funky et de samples jazzy poussiéreux. Une musique à la fois dansante, envoûtante, moderne et old school: un vrai carré d’as musical. La vie, c’est souvent des rencontres, des coups de poker, des histoires … qui vous changent. Cette interview sans prise de tête avec Cyril (Kognitif), c’est tout ça à la fois.
 
On a échangé un peu sur un internet, un coup de téléphone, et nous voilà dans les loges de cette belle « Carène » (salle de musiques actuelles de Brest, ndlr.). On commence la discussion comme des vieux potes du même âge, la trentaine, mais qui ne se connaissent pas. Je lui demande depuis quand il fait de la musique – de me raconter sa life.
Il m’apprend qu’il fait du piano, synthétiseur depuis l’âge de cinq ans. Qu’après un bac pro compta, l’école, il n’en a plus envie, commence la vie active en tant que commercial en enchaînant les boulots dans l’ameublement (portes, cuisines,  panneaux solaires pendant dix ans). Il finit par être directeur d’agence dans sa dernière boite, mais l’entreprise ferme et il subit un licenciement économique.
 
Cette situation est comme salvatrice, car il avait l’impression de tourner en rond dans sa vie. C’est l’occasion pour lui de tenter un coup de poker musical. Il a le temps, l’envie, la technique (piano depuis ses cinq ans…) et l’inspiration – soit un beau jeu à jouer: tout miser. Un artiste comme Al’tarba va beaucoup l’influencer dans ce pari. Cyril a toujours eu un attrait pour les musiques électroniques et le trip-hop avec comme référence Portishead, Morcheeda, Massive Attack, Dj Shadow… Mais de voir ce beatmaker sur scène va le surmotiver et l’inspirer pour de bon dans cette envie d’une nouvelle vie.
 
On est en 2011, il commence la composition en s’essayant à Fruityloops**, la base de la M.A.O. (Musique Assisté par Ordinateur), et passe rapidement à la référence Ableton**; il compose à la souris. Son premier album My Space World  sera bouclé en quatre ou cinq mois… Les retours du public sont excellents, par le biais de Myspace (ancien média social) notamment (clin d’œil au nom de l’album?), et il n’a donc pas changé sa méthode de travail depuis. « Il n’y a pas forcément de règle, juste passer son temps à écouter de la zik pour les influences, s’inspirer des films pour les samples (extrait sonore ré-utilisé, ndlr.) ». Parfois, il compose un morceau en une demi-journée, et d’autres fois, a des pannes qui peuvent durer jusqu’à cinq mois.
 
Viens son deuxième album Monometric en 2014, qui lui fera découvrir la scène en s’essayant parfois à une configuration à trois avec ses potes  Dj Lastik (scratch) et Scarone (chant). Rien ne change à la production, un Home studio (studio d’enregistrement personnel, ndlr.) chez lui, pas besoin de plus, beaucoup de choses se passent par le net comme les featuring (collaborations avec d’autres artistes, ndlr.). Le morceau « So Let’s Begin » en est la parfaite illustration, la chanteuse canadienne Jeanette Robertson est rencontrée via Facebook, la magie opère, le morceau est facile à faire et deviendra son premier hit, celui qu’on lui demande de jouer à chaque fois. Les montres Tudor s’en serviront même pour une pub. Perso j’ai petit faible pour » Bande de Dégénérés » et son sample du Film Matrix. Les tournées commencent avec notamment beaucoup de dates en Grèce (une quinzaine jusqu’à présent), la première parie de Grammatik au Luxembourg.
Cyril commence à être reconnu, et attaque son troisième album « Soul Food » pour 2016. Il se débrouille toujours seul, s’autoproduit et s’oriente vers un univers moins électro mais définitivement plus soul car plus interactif à jouer avec le public, il change de graphiste aussi pour sa pochette. Par contre sa configuration sur scène ne bouge pas, un ordinateur avec une carte son pour la banque de sons (beat/sample), un Mpc et un Apc (support « style clavier numérique ») pour jouer les morceaux, plus une batterie électronique pour encore plus de feeling avec les beats. 
L’album est remarqué, il cumule plus d’un demi-million d’écoutes en six mois sur le net, et c’est là qu’un mail arrive. Cyril croit d’abord à une blague d’un pote. Mais non c’est bien « Wax Tailor » qui le contacte pour lui proposer de faire sa première partie. Ils s’appellent deux fois et le deal est conclu sur toute l’année 2016. C’est un honneur pour Cyril car c’est un artiste qu’il écoute depuis le début, même si leurs univers sont différents: c’est une référence, « le Pape du Beatmaking français », le top !
 
La tournée passe dans tous les coins de France et ses plus belles salles (Strasbourg, Lyon, Nantes, Caen, Paris avec Le Trianon, Reims, Marseille, Toulouse, Lille…) et même la Belgique et le Luxembourg, d’une affluence de neuf cents personnes à plus de deux mille, et ce soir c’est Brest-même. Une occasion de faire découvrir partout sa musique en live , et de toujours la faire évoluer en la retravaillant après chaque prestation. Il m’avoue aussi qu’il songe à ajouter un saxophone et une batterie pour ses prochaines représentations: ce sera pour le quatrième album. On continue de taper la discute comme des vieux potes, qui se connaissent depuis une heure et demie maintenant. Le temps tourne, l’heure du show approche, on se quitte, il doit aller manger et se préparer. Avant ça, il me fait monter sur scène pour que je voie sa configuration live pour le concert. 
 
Une heure est passée, je retrouve mes potes devant la salle de La Carène. On commande chacun sa bière au bar, et go to the show. La salle se remplit, on traverse la foule, en entendant:  « c’est pas mal Kognitif » , « je connaissais pas, ça balance bien », « bonne surprise c’est groovy et dansant » … On se rapproche de la scène avec les copains, l’interaction musicale du beatmaker se produit, les sons jazzy, soul commencent à faire danser le public, les sourires sont présents sur le visage des gens, ça groove! Cyril alterne entre ses Mpc/APc et sa batterie électronique pour nous délivrer et faire claquer ses beats en rythme.  J’ai fini mon verre en deux secondes sans m’en rendre compte, tellement je me suis fait emporter par le son, je vois que c’est la même chose pour mes potes, mais aucun n’a l’envie ou l’idée d’aller en recommander un autre, ce serait un sacrilège de perdre une seconde du concert. Mais la sentence arriva d’elle-même avec la fin du show: ce goût de trop peu, l’impossibilité d’être resservi comme un dernier verre, car tout le monde en redemande!
 
À la fin du concert, comme souvent dans les belles histoires brestoises, on se retrouve au bar avec les potes et Cyril, pour le remercier du spectacle et boire un dernier verre convivial, et lui dire qu’il a bien fait de tout miser (All-in) sur la musique, et que son coup de poker est gagnant.
 
 
 
 
*C’est quoi cette nouvelle grosse tendance scénique dj en musique actuelle, « le beatmaking »? Pourquoi ce nouveau style d’artiste? Car le beatmaker a toujours été là ! 
C’est lui qui est à l’origine de la production musicale (instru, vinyl…) par ses beats: littéralement « battement », plus simplement considéré comme la note de musique, voire le son composé ou enregistré (un simple est un extrait sonore ré-utilisé). Il doit maitriser toutes les étapes de la M.A.O (Musique Assistée par Ordinateur) de la composition aux arrangements, en passant par le mixage audio jusqu’au mastering final. Mais maintenant un vrai beatmaker ne reste pas au chaud dans son Home studio (studio d’enregistrement personnel), il vient délivrer ses compositions sur scène en « Live » car la technologie lui permet, en assignant les beats à des supports « style claviers numériques « … Il ne laisse plus simplement le dj (qu’il peut être aussi) scratcher les instru qu’il a composés sur les indémodables platines vinyls, il peut venir l’accompagner, ou non, pour battre la mesure de ses morceaux en proposant une interaction nouvelle avec le public.
** Logiciel de création music
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