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CHRONIQUE – Jeudi 11 janvier 2018, 19h30, la lumière va s’éteindre, Ça ira (1) fin de Louis de Joël Pommerat va commencer. Assise à la place C28, Chloé, étudiante à l’UBO s’apprête à plonger dans le monde de Pommerat pour la première fois. Son travail elle le connaît : la boîte noire, cet endroit sombre où évoluent les acteurs tout au long de la pièce. La complexité de rendre des moments de notre quotidien. L’importance de la mise en scène qui est une écriture à part entière, et enfin la relation particulière qu’il a avec les acteurs, les techniciens qui mettent des mots, de la musique, de la lumière sur son imaginaire.

Sa compagnie, Louis Brouillard, montera sur le plateau dans quelques instants pour livrer un spectacle de quatre heures et trente minutes…

Elle le sait, à la différence de ses autres pièces, pour la première fois, le quotidien n’est pas au coeur de l’histoire. Cette fois-ci Joël Pommerat s’attaque à l’Histoire, à la naissance de la démocratie, à un événement qui est devenu notre conte démocratique. Il nous propose l’inquiétante étrangeté décrite par Freud “où les limites entre imagination et réalité s’effacent, où ce que nous avions tenu pour fantastique s’offre à nous comme réel, où un symbole prend l’importance de ce qui était symbolisé”.

Elle s’interroge : Comment s’attaquer au symbole de la Révolution ? Comment notre imaginaire révolutionnaire peut-il se confronter à la réalité de notre quotidien ? Cette Révolution marquerait-elle une certaine “fin de Louis” Brouillard ?

La lumière s’éteint.

Jeudi 11 janvier 2018, minuit, les acteurs saluent le public du Quartz. La pièce Ca ira (1), fin de Louis vient de se terminer. Après 4h30 de représentation, les spectateurs viennent de découvrir ou de redécouvrir l’univers singulier de Joël Pommerat.

Solange, étudiante à l’UBO, suit le travail de Joël Pommerat depuis plusieurs années. Elle aime son travail, qu’il n’ait pas la prétention de donner des réponses, d’infliger des modèles de pensée. Il met en avant les contradictions, les paradoxes, il ne cherche jamais à expliquer. Pour lui, il est nécessaire de complexifier ce que l’on vit chaque jour pour se rapprocher du réel alors qu’au quotidien on décomplexifie le monde. Le moment artistique permet de rendre la complexité des choses et de voir leur richesse. Pour Joël Pommerat, la complexité est une forme de beauté. Elle se rappelle Cet enfant, cette pièce qu’elle a interprétée au lycée, inspirée par les témoignages de parents. Jamais Joël Pommerat n’utilise les mots des parents, et pourtant… Pourtant la complexité des relations parents-enfants est bien là : amour et violence s’entremêlent avec justesse : un amour omniprésent, une violence diffuse.

Se saisir d’un fait historique, de la Révolution française, Joël Pommerat ose. Il la déconstruit, l’épure, jusqu’à mettre seulement sur le plateau le processus de construction de la démocratie. La vérité historique, le réel ne sont pas prétextes à la création. Solange, Chloé, comme les autres spectateurs vivent une expérience. Le théâtre de Pommerat est traversé par un état d’esprit performatif (il s’agit bien de re-présentation et non de performance dans le sens happening) mais le travail sur la présence tend à un effet de réel ou de pure expérience du présent. Aujourd’hui, plus que jamais – peut-être – il est nécessaire d’aller au théâtre, de ressentir la représentation et de se positionner. Aucun nom, chaque spectateur peut transposer sur chaque personnage la figure politique qu’il souhaite. Joël Pommerat nous invite à nous questionner, sur notre monde et notre société. Hier comme aujourd’hui, les questionnements restent par essence les mêmes.

Ca ira (1) fin de Louis n’est pas la “fin de Louis” mais bien un renouveau dans le monde de Joël Pommerat.

Crédits photos: Elisabeth Carecchio

 

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