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Le festival débute ce soir par une dégustation œnologique et musicale. Il se décline en onze étapes, jusqu’à samedi soir, avec une vingtaine d’artistes internationaux en création perpétuelle, férus d’indépendance et de hors-piste.

On y vient désormais les yeux fermés au festival Invisible! C’est un événement singulier dans le paysage culturel brestois qui tisse sa toile depuis douze ans avec une réelle maîtrise. Un petit poucet devenu partenaire des grands pour s’étendre sur la semaine et dans la ville, de la Carène vers le Mac Orlan, Passerelle et le Quartz, en ralliant toujours davantage de partenaires.

Les artistes et musiciens à l’affiche ont toujours cette particularité d’être des pointures parfois méconnues au talent durable et protéiforme. Des originaux qui échappent aux caractérisations et cultivent une ligne esthétique alternative très créative sur une base rock, folk, pop et leurs descendances. La onzième édition du festival fait encore une fois le pari de cette scène underground internationale riche de projets et de collectifs. La programmation a été concoctée par la même équipe de passionnés: David Crenn, Vincent Le Guilloux, Maëlle et Arnaud Le Gouefflec. Les uns plus gentils, les autres moins méchants, leur curiosité et leurs coups de cœur s’additionnent pour ouvrir toujours la proposition. Les onze étapes qu’ils proposent relèvent parfois de voltiges musicales « païennes and roll », avec quelques transversales. 

LES COUPS DE COEUR #11

Tous les artistes programmés méritent notre curiosité, bien entendu. Mais quelques-uns éveillent une acuité particulière. « On en suit certains depuis pas mal d’années, on travaille un contact direct avec l’envie de les voir à Brest. Quelques-uns évoluent aussi avec d’autres projets et on les fait revenir  », soulignent David et Vincent, qui savourent les effets de la persévérance.

Calvin Johnson (US) – Après Jad Fair l’an dernier, on attend comme le loup blanc cet autre dinosaure du rock indé US. Connu pour avoir fondé et animé Beat Happening, Narcotic Sound system et également Halo Benders avec son camarade Doug Marsh, le nom de Calvin Johnson est indissociable des groupes les plus importants de l’underground américain des années 80-90. Originaire d’Olympia, Etat de Washington, membre du club des Grands Singuliers, Calvin Johnson est un leader culte pour de nombreux artistes aux USA et en Europe, dont Kurt Cobain et Beck. Patron du célèbre label K Records, il a essaimé énormément et fait toujours l’objet d’une véritable fascination. On plébiscite son talent autant que sa manière singulière de « faire » de la musique, c’est-à-dire de la créer, la produire et la diffuser en se jouant des conventions. Toujours à contre-allée, il surprend et réussit en quelques décennies une digestion parfaite des styles musicaux qu’il recycle. On le voit cette semaine à Brest, en escale de sa tournée européenne, avec une relecture du groove et de la dub. Dans Selector Dub Narcotics, il se met aux platines et pose sa voix grave reconnaissable sur un bricolage sonore fou. La fête ne fait que commencer, hotter than hot…

Vendredi 18 novembre à La Carène, soirée gentille.

https://www.youtube.com/watch?v=ZDgRAPWfEJk

Le Ton mité (BEL) – C’est le dernier projet de Mac Cloud Zicmuse, musicien américain originaire d’Olympia, lui aussi (!), un touche-à-tout germé dans le sillon de Captain Beefheart et Daniel Johnston. En Américain décomplexé, il cultive depuis quelques années son propre potager sonore en Europe, un temps à Bordeaux puis en Belgique. Après un premier passage à Invisible en 2012 avec des chansons absurdes en français, sa venue sera cette fois l’occasion de découvrir son nouveau groupe Le Ton Mité. Avec cuivres, claviers et guitares, c’est sans doute le projet le plus personnel de Mac Loud qui se concrétisera aussi sous forme d’un album en février 2017: Passé composé futur conditionnel. « On attend un concert énergique et plein d’inventivité », confient les organisateurs

Vendredi 18 novembre à La Carène, soirée gentille.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=14&v=XbjhPLEZB1Y

Beak (UK) – Ce trio anglais est mené par Geoff Barrow, qui n’est autre que le fondateur de Portishead, groupe somptueux formé à Bristol au début  des 90’S, porté par la voix tourmentée de Beth Gibbons. Emblème de la musique trip-hop avec Massive Attack, il était précurseur en incorporant des samples, des guitares saturées et des ensembles de cordes dans sa musique. Désormais avec Beak, il mêle des motoriks addictifs aux accords de basse, batterie et claviers. C’est aussi un excellent groupe de scène – la tête d’affiche – qui promet de happer le public par sa rythmique syncopée aux connotations new wave. 

Vendredi 18 novembre à La Carène, soirée gentille.

https://www.youtube.com/watch?v=jdzfeo3U0D0

Jessica 93 (FR) – Derrière ce nom qui évoque immanquablement le pseudo d’un site de rencontre, évolue un jeune groupe formé par le guitariste Geoffroy Laporte. Il incarne la France rock alternative notamment grâce au label indépendant Et mon cul c’est du Tofu qu’il a fondé dans l’esprit K Records. Avec Jessica 93, il s’entoure d’une basse et d’une autre guitare pour proposer une version bien à lui de la dark pop. Leur album Rise a été sacré meilleur album de l’année en 2014 par le magazine Noise Mag.

Samedi 19 novembre à La Carène, soirée méchante avec Père Ubu, Housewives et Cantenac.

https://www.youtube.com/watch?v=9uGxr4dpEWk

DEUX CRÉATIONS DU STUDIO FANTÔME

Dans l’antichambre du Festival Invisible, un collectif d’artistes adepte du Do it yourself s’anime aussi de façon durable pour encourager la création et la diffuser. Le Studio Fantôme produit quelques spectacles jeune public – on se souvient de Chansons Robot en 2015 qui tourne toujours – et des projets musicaux tel que Deux fois dans le même fleuve. Une aventure folk et onirique, portée par Arnaud le Gouëfflec, Olivier Polard et John Trap qui remonte le courant de nos émotions profondes.

Les projets transversaux fleurissent toute l’année au Studio fantôme décidément bien éclairé. Les deux derniers poulains de cette écurie font leur lever de rideau au festival. https://www.lestudiofantome.com

Ch’ (FR) – Cette consonne de la langue bretonne difficile à prononcer est aussi le nom de la rencontre artistique entre la musique de Chapi Chapo et de Tiny Feet. Toujours avec son « instrumentarium » de pianos jouets, de toupies et de cloches, Chapi Chapo laisse désormais entrer les basse, guitare et batterie pour assumer son identité rock. En invitant la voix sensible de Tiny Feet qui interprète en français et en breton, Patrice Elégoët sort de sa première sphère jeune public pour explorer le toy rock.

Vendredi 18 novembre à la Carène.

Planète Fanfare (FR) – Le deuxième effet magie d’un festival c’est aussi de générer des rencontres artistiques. Le talentueux chanteur, dessinateur et multi-instrumentiste Kim Giani, entendu à Invisible#10, a dit banco à Arnaud Le Gouefflec pour créer avec lui ce nouveau spectacle musical jeune public. Planète fanfare invite les enfants à s’interroger sur le rapport entre soi et le monde autour. Pour mieux comprendre la musique, ils verront s’assembler des instruments incroyables comme dans un mécano et former une fanfare inédite.

Mercredi 16 novembre à 10 h (séance scolaire) et à 14 h, à la Carène.

LES LIEUX DE #11

La Carène – La salle des musiques actuelles au port est le premier et fidèle partenaire du festival Invisible qui assure une partie de la co-production. Le QG sera là, les expos, les stands, la mayonnaise aussi. Un nouveau rendez-vous est proposé en bonus des deux grandes soirées : les déjeuners soupe-concert, à 12 h 30, avec Aries (dernière recrue de K Records) vendredi 18 novembre et Garden with Lips (autre carte de Centre du monde) samedi 19 nov. So let’s soupe’n roll!

Passerelle – Le centre d’art contemporain accueille deux soirées du festival. La première, très originale, ce soir, mardi 15 novembre, propose une dégustation invisible de quatre vins en accord avec une heure trente de musique: The luxury sound of candelight and wine est conçu par Vins etc. et Sine qua Pop.

La seconde, jeudi 17 novembre à 20 h, en partenariat avec Penn Ar Jazz propose trois projets musicaux. Une performance musique et film 16mm de Sixteen; un set de musique improvisée dans l’antre d’un vieux piano par Jean-Luc Guionnet et Eve Risser; une rencontre guitare batterie non écrite entre Olivier Mellano et Régis Boulard (Nor&d).

Le Mac Orlan – C’est la première année qu’il entre dans la boucle d’Invisible, en accueillant la performance des Mamies Guitares. Ce projet pluridisciplinairee proposé par Daniel Scalliet et Mathieu Sourisseau, découvert l’an dernier, remet nos Brestoises d’âge mûr en selle et aux cordes. On a hâte d’entendre leurs nouvelles paroles de femmes engagées et sous tension!

Mercredi 16 novembre à 20 h 30 au Mac Orlan.

Le Quartz – Son petit théâtre accueille lui aussi un concert à l’esthétique singulière. Le duo pop-folk de M-Jo & Flop s’inscrit dans la lignée de Brigitte Fontaine et Areski pour écrire des chansons absurdes accompagnées de petits instruments acoustiques.

Duo de nous deux, le 18 novembre à 19 h 30, au Quartz.

Le P’tit Minou – Le nouveau café-concert du port de Co, voisin de la Carène, a déjà accueilli la soirée Before du festival. Le trio rock Grain y animera un apéro concert dans la pure tradition du joyeusement foutraque. Samedi 19 novembre à 18 h.

LES EXPOS #11

The art of K Records à Bad Seeds – La venue historique de Calvin Johnson à Brest méritait un focus sur son label mythique K Records, fondé en 1982 à Olympia USA et toujours en activité. Quel autre lieu que Bad Seeds aurait pu monter cette expo rétrospective? Les disquaires indépendants sont eux-même nourris au nectar de cette culture du Do it yourself. Ils ont dégoté des affiches, des pochettes de disques et les fameux fanzines K Records au design si identifiable. Kurt Cobain s’était tatoué lui-même le logo sur le bras!

Vernissage de l’expo en musique et avec Calvin Johnson, jeudi 17 novembre à 18 h, 26 rue Massillon à Bad Seeds.

Ray Flex, l’oeil de l’Invisible – Ce photographe brestois promène discrètement son oeil, ses oreilles et sa grande sensibilité dans les concerts (et pas seulement) depuis des lustres. Il photographie ce que l’on ne voit pas toujours et révèle des moments de scène sous un autre angle. Cette fois sur les cimaises du Festival, Raymond Le Menn est accroché !

Dix ans d’Invisible vus par Ray Flex, les 18 et 19 novembre à La Carène.

L’art singulier d’Odette Picaud – L’artiste plasticienne Fanny Crenn coud et rapièce inlassablement des vieilles dentelles et des objets trouvés dans les greniers bretons pour en faire un vaudou très personnel. Chaque année, le festival lui offre un espace pour une installation. Odette Picaud nous balade cette fois dans ses souvenirs d’enfance.

On n’est pas sérieux quand on a 11 ans, les 18 et 19 novembre à La Carène.

https://www.festivalinvisible.com

About the Author

Journaliste freelance, Marguerite écrit dans le Poulailler par envie de prolonger les émotions d’un spectacle, d’un concert, d’une expo ou de ses rencontres avec les artistes. Elle aime observer les aventures de la création et recueillir les confidences de ceux qui les portent avec engagement. Le spectacle vivant est un des derniers endroits où l’on partage une expérience collective.

 

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