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Depuis l'été dernier, rue de la République, un trapèze s'illumine sur la façade du numéro 16.  Trapèze est précisément le nom du nouvel espace temporaire de production, réflexion et diffusion d'art créé et coordonné  par le collectif que forment Tom  Le Dilosquer, Maéva Coppel , Justine Monchecourt et Fred Huellou. À la fois créateurs/créatifs et curateurs ils ont donné vie à plusieurs expositions, Sourdre et précédemment en septembre Et les hippopotames ont bouilli vifs dans la piscine. 

Ils sont présents dans les lieux jusqu'au 31 octobre, avant de s'inventer un autre avenir. 

Rencontre avec Tom et Maéva. 

 

 

 

 

Comment a commencé l’aventure de Trapèze ? 

Il y a un an : nous étions quatre. Justine Monchecourt, qui a fait les Beaux-Arts de Quimper, est arrivée avec Fred Huellou, professeur de topographie dont j'avais vu une partie du travail. On venait juste d'arriver à Brest avec Maeva Coppel.

On connaissait Passerelle, ainsi que d'autres institutions et on se disait qu'il fallait d'autres initiatives. Initialement, on avait esquissé le projet de demander à la ville un des espaces vacants pour y monter des ateliers, et surtout pour y travailler et créer des événements mais nous n'étions pas encore dans un format arrêté. Entre temps, j'ai rencontré Simon Rulquin qui préparait son installation au 16 rue de la République. Il m'a ensuite appelé en me disant que la mairie proposait un projet autour des fêtes de Brest.

On a eu à notre tour les clés du 16 rue de la République, mi-juillet. On a travaillé tous les quatre pendant un mois pour rafraîchir le local, et pendant qu'on travaillait, on se demandait ce qu’il était possible de faire d’ici le 31 octobre, la date limite de notre présence dans ce lieu. En trois mois, nous avions nos preuves à faire et nous avons vite pensé à une plateforme curatoriale, un lieu d'exposition. 

Comment avez-vous inauguré le lieu ?

Pour la première exposition, nous avons présenté chacun une pièce en cherchant à rendre tout cela cohérent dans une commission réfléchie. Nous avons emprunté un titre d'un roman truculent des poètes Beat que sont Kerouac et Burroughs "Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines". Le titre en lui-même n'a pas grand chose à voir avec le récit qu'ils ont donné. Cela nous permettait de jouer avec des possibilités de narration. Nous avons invité deux artistes : Dom Gray qui était un voisin, qui est peintre, et qui a fait les Beaux-Arts de Londres, et Margaux Germain que j'avais rencontrée au FRAC, il y a deux ans. Cette première exposition nous permettait de nous présenter à travers nos œuvres.

Pourquoi ce nom, « Trapèze » ?

Trapèze, on savait que c'était une histoire précaire mais à vocation pérenne. Aujourd'hui on n'en démord pas.

Le trapèze est la forme de la surface de la galerie avec toutes les métaphores que cela permet : espace à géométrie variable, numéro d'équilibriste... Numéro d'équilibriste aussi pour créer quelque chose qui ressemble à une association. On a pensé le Trapèze comme un lieu habité par un artiste qui invite d'autres artistes. 

Dans l’idée de la diversité, donc ?

Comme nous sommes quatre et que nous avons des pratiques différentes, des inclinations esthétiques pour des médiums particuliers, mais que nous sommes tous passionnés de cinéma, nous avons commencé à réfléchir à l'utilisation d'une partie de Trapèze pour visionner des films entre nous. Si un jour, nous devenons une association et que nous le pouvons budgétairement, nous aimerions acheter les droits pour organiser des projections dans un esprit Ciné-club.

Nous aurions aussi voulu que Trapèze soit un lieu de libre consultation d'ouvrages, créer une bibliothèque. Nous aimons l'art contemporain et ses dérivés et ses transversales :  les arts actuels !

D'ailleurs des manifestations autour du livre dans la suite de Trapèze ne sont pas exclues.

Des lectures à voix hautes seraient programmées ?

Oui, ainsi que nous l'avons déjà fait avec Christine Apostole. Maéva avait tout scénographié pour que l'on soit dans un salon de lecture, nous avons chiné une lampe chez un antiquaire. 

Vous souhaitez transmettre ?

Nous voyons Trapèze comme un lieu transversal, un lieu qui pourrait aussi s'adresser aux enfants par le biais d'activités. Nous avons été très bien accueillis dans le quartier. Les gens étaient surpris qu'un concert suive un vernissage.

De plus, Fred a animé un atelier en invitant les gens du quartier à venir l'aider à finir une pièce, qui a été exposée. Enfants et adultes se sont mêlés. Les meilleures rencontres ne se font pas uniquement pendant les vernissages, mais aussi pendant les permanences en journée : des gens curieux, les amis des amis du quartier qui viennent pour comprendre à quel objet ils ont affaire. C'est là que la mission devient encore plus importante, car on ne pratique pas de l'entre-soi, il y a une réelle ouverture. Il y a vraiment quelque chose de politique. Quand on est artiste, on fait un choix vis-à-vis de la société, il y a une logique politique derrière.

Comment définiriez-vous cet engagement ?

Par le fait d'ajouter une initiative, un geste qui n'est pas un geste mercantile mais une réflexion sur l'art et sa situation dans la société. Trapèze c'est ça : on montre une forme de peinture, avec le travail de Dominique Jézéquel, que l’on n'a pas l'habitude de voir : la peinture dépourvue de son appareil traditionnel qu'est le châssis entoilé posé au mur. 

Il y a donc également une dimension de médiation ?

Lorsque les artistes ne sont pas présents, c'est nous. À Trapèze on est là pour ça aussi : on accueille les gens.

Dès le début, on a voulu faire une enseigne : la forme de Trapèze est allumée lorsqu'on est ouvert.

Qualifieriez-vous votre projet d’underground ?

Pour l'heure, oui. L'underground républicain. C'est amusant d'ailleurs, de s'inscrire comme un petit centre d'art dans une rue qui s'appelle la chose publique.

Je pense que tout s'institutionnalise. On était contents de ne pas avoir de statut juridique au départ, c'était un élément auquel nous tenions. Mais on est vite rattrapés par la réalité économique. On ne sait pas jusqu'où on peut continuer. À la limite si on voulait continuer comme ça, quand le prochain artiste de ce lieu part, on revient et on fait des actions sauvages pour perpétuer un état d'esprit underground. Ce qui ne serait pas inintéressant.

Etienne Bernard, dans son discours pour la fermeture du Quartier, qui est une démarche atterrante, a rappelé que l'art naissait dans les lieux underground. C'est très important qu'il y ait des initiatives d'artistes pour les artistes et pas seulement par des directeurs d'institutions.

Comment se met en place l'articulation artiste-commissaire et médiateur ?

Tom Le Dilosquer : C'est une intention que j'avais depuis la deuxième année aux Beaux-arts. J'aime l'art mais j'ai passé beaucoup plus de temps à la bibliothèque. Je pense que le simple fait de faire des études d'art est politique. Par ailleurs, je trouve passionnante l'idée que l'exposition se conçoit comme une syntaxe, aussi intéressante que de "fabriquer" une toile ou une sculpture.

Le collectif avance donc aussi selon les objectifs individuels de chacun ?

Oui, mais en réunion quand même. Nous nous retrouvons tous les dimanches. C'est une aventure qu'on écrit à quatre. Nous sommes une démocratie.

Vous disiez que le projet est pérenne.

Tom Le Dilosquer : Que la structure soit pérenne mais qu'elle n'ait pas de lieu ne pose pas de problème à Justine par exemple. Pour ma part, cela me semble plus compliqué. Je suis attaché au format de l'exposition, au format d'un lieu dont on teste toutes les possibilités. Comment se projeter sans lieu ? C'est un peu déraciné.

Nous avons tous beaucoup de travail, mais nous allons continuer de nous voir. Trapèze est une initiative nécessaire car une initiative d'artistes pour les artistes, c'est important.

Nous constituerons des dossiers. Nos enseignants nous ont proposé du soutien par le biais de lettres afin que nous retrouvions le lieu. Nous remercions les artistes qui ont travaillé avec nous et qui nous ont fait grâce de tous les déplacements. Les artistes nous soutiennent, ont donné leur énergie gratuitement.

Nous souhaiterions retrouver un lieu pour poursuivre notre projet dont l'idée est de décloisonner les pratiques, les médiums et les positions esthétiques et politiques. Créer un carrefour de toutes les transversales possibles au sein d'un lieu de convivialité.

Pour en savoir plus: https://www.facebook.com/TrapezeBermuda/

Propos recueillis par Karen Dupont et Natalia Leclerc

Crédits photo: Tom&Maeva

 

 

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