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Vendredi 12 juin 2015, l'association "Penn-Ar-Jazz" bouclait sa saison 2014/2015, en invitant dans le sous-sol du "Vauban" Antoine Berjeaut et les musiciens du projet WasteLand, dont l'album est sorti en avril 2014 (label Fresh Sound). Un bouquet final envoûtant, à la croisée des chemins entre jazz, électro, beat, le tout servi par un exercice de spoken word improvisé de Mike Ladd, impressionant d'aisance et d'imagination, déroulant librement le fil d'une saga sur des mélodies aériennes, dignes du spleen baudelérien. On pourrait en dire des tonnes sur le saxophone inspiré de Julien Loreau (The Rise, Brighter Days...) ou sur la trompette mate et délicate d'Antoine Berjeaut sans pour autant parvenir à rendre compte efficacement du voyage musical qui est offert.

En effet, on est loin, très loin des sentiers battus; WasteLand doit s'écouter avec une oreille neuve et libérée des carcans de l'étiquette, pour saisir toute la créativité et la liberté d'Antoine Berjeaut: sa composition, brillante et légère, mèle un drum-bass percutant et de longues phrases aux harmonies inattendues. La musique pétille, elle s'allume et s'éteint, et après un long moment jubilatoire, elle redépose le public sur terre tout en douceur. Disons pour faire simple que WasteLand est un roman dont la trame narrative est encadrée par une composition précise, "à tiroirs"; tout s'emboîte et s'enchaîne cependant selon le mood de Mike Ladd, le lead d'Antoine Berjeaut consistant à faire "rentrer les ronds dans les carrés", selon sa propre expression. "Je compose des formes, je donne de la matière", ajoute-t-il l'air de rien.

Et pourtant, quelle matière! Rien n'a l'air figé sur scène, la décontraction et le plaisir de jouer ensemble sont palpables, sans doute parce que l'écriture et la composition laissent également une large place à l'expression personnelle des musiciens et à des plages d'improvisation de haute volée. Les thèmes repris tour à tour par la trompette, le saxophone, et le vibraphone de David Neerman (connu notamment pour sa collaboration avec Lansiné Kouyaté) sont obsédants, ils résonnent longtemps dans les oreilles, le concert donne envie d'un toujours plus. Et de prolonger le plaisir avec l'album. 

Bien évidemment, rien n'est dû au hasard dans ce rassemblement de musiciens aux parcours et influences très diverses, et c'est peu dire qu'Antoine

 

 

Berjeaut, nourri de culture jazz (en particulier des compositions du batteur Paul Motian), hip-hop (celui de Madlib notamment, aux influences jazz marquées) et électro (Burial), a su s'entourer de pointures.

Lorsqu'il rencontre Mike Ladd dont il est fan depuis l'adolescence, il entrevoit la possibilité de monter un projet personnel qui ferait la synthèse de toutes ces influences. Il sait ce que vont apporter, même inconsciemment, les musiciens à qui il propose de jouer. WasteLand se produit, séduit. Dès 2012, tout le monde attend l'album, qui n'arrive que bien plus tard. Les albums, même, puisqu'on trouve depuis avril 2014 un WasteLand acoustique, salué par la presse spécialisée (Jazz Magazine, Jazz News, etc.) et un remix sorti trois mois plus tard. Antoine aurait rêvé d'un double album, pour coller à son projet initial, à la fois jazz et électro. Il pense au bon vieux temps du vinyl, en se disant que la session acoustique en face A et le remix en face B, ça aurait eu une classe extraodinaire. Il faut bien avouer que les craquements des platines achèveraient l'oeuvre déjà très hybride de WasteLand en y ajoutant un côté "hors du temps". Vinyl ou pas, WasteLand est un album riche et dense, susceptible de combler les attentes d'un public extrêmement large, des amateurs d'électro jusqu'aux jazzmen les plus rigoristes.


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 Crédit pour l'ensemble des photographies : Vincent Lebrun

Wasteland

About the Author

Elevé dans une ambiance sonore éclectique, musicien dans l’âme plus que dans les doigts, Matthieu apprécie les expériences nouvelles autant qu’une symphonie de Chostakovitch ou une gavotte. Son approche est souvent un peu décalée, parfois technique, et s’ancre librement dans le ressenti.

 

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