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Christophe Le Menn aka Krismenn, a investi, à l’occasion du festival No Border, le petit théâtre du Quartz pour une performance dans laquelle il réunit tous ses arts, toutes ses musiques.

Son spectacle est à l’image de son parcours : riche, étonnant, intime mais surtout expansif. C’est l’histoire d’un garçon parti de Plougastel pour le Kreiz Breizh, à la recherche du kan ha diskan, l’une des techniques de chant traditionnel du centre Bretagne. Mais l’apprenti n’a pas fait qu’assimiler l’histoire, la maîtrise et la tradition du chant populaire; il a surtout su se l’approprier et nous la restituer avec une fraîcheur et une force toutes particulières.

Accompagné de ses instruments qu’il nous présente un par un à grand renforts d’anecdotes et de jeux de mots biens sentis, son set s’articule autour d’un étrange laboratoire : contre-basse, guitare slide et yukulele électrique sont branchés et reliés aux ordinateurs, pédales et tables de mixage. Krismenn opère à cœur ouvert : des cordes et de sa voix, il tire les loops nécessaires à ses morceaux avant de poser ses paroles sur le beatbox enregistré en direct.

Le kan ha diskan, se fait rap engagé, et la richesse de la langue parlée permet de s’amuser du parallèle entre la naissance d’une porcherie industrielle et la mort d’une trop fameuse maternité de Carhaix.

Le diskouriou devient un véritable battle hip hop différé entre l’artiste et la voix collectée de ses ancêtres chanteurs. Ainsi grâce à un mixage, la joute verbale traditionnelle reprend vie et voit s’affronter deux générations de gouailleurs.

La gwerz, quant à elle, reprend son rôle de complainte slamée autour des thèmes et des réalités qui relient la Bretagne d’antan et celle d’aujourd’hui.

Passeur et partageur de traditions, Krismenn renoue avec le mythe des veillées et enchaîne les chants, tantôt dans la pureté de la technique bretonne, tantôt avec la hargne et l’énergie du rap contemporain. Toujours en breton et toujours loin du cliché continental qui chercherait soit à enfermer la musique bretonne dans un passé confiné, soit dans une modernité artificielle et opportune.

Le spectacle est avant tout la transmission d’un esprit et d’une réalité ; celle d’une musique à l’image de son peuple, toujours capable d’affronter ses propres contradictions avec fierté et humour et à sans cesse se renouveler au contact du reste du monde.

L’oralité est le terreau fertile dans lequel il plante le décor. Grâce à ses talents de conteur, Krismenn nous fait partager sa vision et son travail. Par son humour et sa générosité, il fait entrer le spectateur dans cet univers du bout du monde, habité par les bouilleurs de cru, les ivrognes et les pikès du village. Et quand bien même son auditoire ne parle pas la langue de basse Bretagne, il nous aide à comprendre et nous raconte ses histoires fabuleuses avec une joie communicative.

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