Echappées…belles !

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Deuxième opus d’un tryptique (#1#2#3#Parlez !) consacré aux violences faites aux femmes, Echappées… est un spectacle poignant mis en scène par Sophie d’Orgeval.

Si vous aimez aller au théâtre pour vous divertir, vous ne choisirez pas délibérément d’aller voir Echappées… Vous choisirez d’aller voir ce spectacle en conscience parce que vous vous sentez concerné, de près ou de loin, par le sujet qui y est abordé : les violences faites aux femmes. Personne ne m’en voudra si je déclare ce spectacle, en mon humble avis, d’utilité publique. Cela me paraît évident d’une part, car la démarche artistique de Sophie d’Orgeval a permis à plusieurs femmes victimes de violences de s’exprimer, à travers l’écriture de textes donnés en lecture publique dans les locaux de l’association L Cause, puis qui ont servi de matière brute pour la construction de cette œuvre dramatique. Évident encore, car d’un tel sujet on ne parle guère vraiment, tant quiconque n’a pas été confronté au problème ne sait généralement quoi faire de situations dont il ne fait que percevoir l’ampleur. Évident enfin, car l’inconscient collectif véhicule souvent des a priori qu’il est important de mettre en lumière, pour légitimer le statut de victime, première étape vers la libération.

Assise dans mon fauteuil, j’ai donc reçu en pleine face la réalité brute de ces violences, décrites dans des textes forts, intelligemment mis en valeur par une mise en scène très épurée. Les moments de description de violences physiques m’ont tendue, mais ce qui m’a profondément émue, c’est de ressentir la fragilité psychologique des victimes. Au-delà de la douleur physique, c’est de peur, d’angoisse, d’espoir, d’incertitude, de manipulation, d’addiction, d’attachement, de dévalorisation, d’humiliation, de culpabilité, d’incompréhension, dont on parle. Soudain, on saisit l’horreur de situations inextricables, de violences psychiques comme autant de toiles d’araignées où beaucoup de monde pourrait se retrouver coincé, un jour, sans s’en apercevoir. Mais ce spectacle témoigne aussi des prises de conscience, des gouttes d’eau qui font déborder le vase, de l’élan de vie qui surgit et ouvre la porte des prisons. Cette étape essentielle n’est que le début d’une longue reconstruction, où surgissent d’autres situations nouvelles qu’il faut gérer malgré tout : colère et haine envers les bourreaux, peur de l’inconnu, peur des réactions de son bourreau, manque de confiance en soi, dépendance financière, travail psychologique pour comprendre pourquoi…

Echappées… a tenu les promesses que je lui avais associées, dans le sens où je suis ressortie avec un regard plus empathique, une vision élargie. J’ai aussi été conquise par les trois comédiennes (Anne-Sophie Erhel, Pamela Olea et Monica Campo), qui ont occupé le plateau par leur présence, la précision de leur jeu (brillante Anne-Sophie Erhel) et leur émotion, palpable sur scène et à la sortie. Dans cette ambiance, la mélodie de la chanson L’amour c’est du pipeau de Brigitte Fontaine diffusée pour fêter l’échappement d’une des victimes apporte une gaieté réjouissante, même si je n’ai personnellement pas envie de retenir ses paroles comme « morale » de l’histoire!

Compter jusqu’à cent : l’adaptation théâtrale du roman de Mélanie Gélinas, dernier opus du tryptique #1#2#3#Parlez !, mise en scène et jouée par Sophie d’Orgeval avec la violoncelliste Emmanuelle Lamarre, est à voir ce samedi 22 novembre à 20h30 à l’Alizé à Guipavas.

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One Comment

  1. Nouhaud-Heim / 30 novembre 2014 at 16 h 29 /Répondre

    J’aurais aimé aller voir ce spectacle…dommage qu’il n’y ai pas eu plus de publicité…

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