Jongler Jouer

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D’abord il y a la pénombre. Rouge et silencieuse, comme une aube qui se lève sur un monde onirique et chaotique, un désert peuplé d’objets dont les étonnantes formes se dessinent à mesure que les lumières s’éveillent à leur tour. Les deux hommes en question traversent cette friche de matières et de sonorités, emportés dans un étrange ballet où l’un guide et supporte l’autre à l’aide de caisses et d’échasses de bambou. Ensemble, pieds nus et en costumes cravates, ils arpentent et découvrent les vestiges de leur univers. Enfin, ils prennent place autour d’une table musicale à laquelle ils arrachent des notes à grands coups de poing. La transe est progressive et déjà bouleversante. Elle sera la première d’une série d’expérimentations et de jeux que les deux compagnons opéreront autour de ces structures de bois, de lumières et de sons.

Très vite s’entame un dialogue absurde et poétique de percussions et de jonglage : les balles et les baguettes s’entremêlent, se confondent et se lient, tout comme les deux personnages qui réinventent chacun leurs propos.

Le spectacle se déroule de découvertes en découvertes, à chaque nouvelle région explorée, une surprise jaillit des objets et de l’inventivité des deux comparses : une musique, une ambiance et toujours un prétexte à la liesse ou au défi ; c’est à qui emportera la joute de leur pérégrination joviale et complice.

Les musiques électroniques jouées en direct par Wilfried Wendling répondent aux gestes et au langage sans mots de Roland Auzet et Jérôme Thomas, lesquels évoluent dans le labyrinthe lumineux et coloré de Bernard Revel, également habité par la présence des instruments colossaux du luthier Robert Hébrard. Ces machines sont autant de créatures habitées par leurs propres mystères, monstres placides et assoupis qui s’animent les uns après les autres au fil des mouvements des deux interprètes : une gigantesque sphère danse au-dessus de la scène, des rouets et des culbutos ondulent sous les impulsions du jongleur et du percussionniste, un xylophone se perd dans la chorégraphie d’un jeu de miroirs…

Le plaisir du public est là, dans la fusion des disciplines, dans les mimiques et les regards espiègles, dans ces petits instants de magie et de folie douce. Ce soir, sur scène, deux hommes jonglaient dans leur tête ; ils jonglaient avec de la musiques et des plumes, avec des rêves et des sourires.

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