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Je dois avouer que j’ai commis un impair la première fois que j’ai glissé le deuxième album de Bobby & Sue (I’m dead, thanks for asking) dans la platine. J’ai en effet naïvement cru que je pourrais l’écouter « comme ça », en repassant une chemise, et cette erreur a bien failli mettre le feu à la maison. Dès les premières notes, il me fallait trouver séance tenante un verre de blend de contrebande, ainsi qu’un bon fauteuil club ou éventuellement un rocking-chair façon Mississipi. Et dommage que j’aie arrêté de fumer. C’est dans ces dispositions matérielles qu’il faut écouter la musique de Bobby & Sue, tout simplement parce qu’elle remonte aux sources du blues : une voix, un instrument, et c’est (souvent) tout. Ici, la voix est tour à tour envoûtante, espiègle, effrontée ou mélancolique, elle porte des textes teintés de cynisme, d’amour noir, de tristesse, parfois. Et elle est soutenue par une instrumentation somptueuse. La guitare, électrique ou non, et parfois le piano, ne sont jamais prétentieux, malgré des licks subtils et efficaces. Une leçon de sobriété, qui n’enlève rien au talent. Au contraire. Comment dire… ce sont des arrangements finement ciselés, qui prennent le temps de se laisser résonner. Un travail d’orfèvre sonore, en somme, qui semble tenter des expériences un peu jazzy, un peu country, un peu soul.

Évidemment, me répondra-t-on d’un air savant, puisque le blues a engendré toutes ces musiques, jusqu’au R’n’B et au rock. C’est vrai, mais il y a aussi dans cet album des petits « quelque chose » que l’on devine très personnels, voire intimistes : je pense notamment au titre qui donne son nom à l’album, ou à la très belle « Angela Tears ». Ça brille dans les oreilles.

 Ce qui plaît enfin dans cet album, c’est qu’il donne le sentiment que les deux musiciens prennent un immense plaisir à jouer ensemble. L’enregistrement, par je ne sais quel miracle, rend la musique proche, intime. Et sans les voir, on devine les musiciens, leurs petits regards, leurs sourires en coin, leurs clins d’œil.

Je me demande si Violaine-Sue Fouquet et Brendan-Bobby De Roeck n’auraient pas pactisé avec le diable, comme le fit en son temps Robert Johnson au crossroad des routes 61 et 49, et échangé leur âme contre la virtuosité et le talent. Si c’est le cas, c’est de la triche, mais c’est diablement bon.

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Elevé dans une ambiance sonore éclectique, musicien dans l’âme plus que dans les doigts, Matthieu apprécie les expériences nouvelles autant qu’une symphonie de Chostakovitch ou une gavotte. Son approche est souvent un peu décalée, parfois technique, et s’ancre librement dans le ressenti.

 

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