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Excuse-moi Lisa Leblanc, je ne suis pas venu t’écouter au Festival du Bout du Monde… Pourtant, tu sais, je t’avais bien notée sur mon planning. Sur Youtube, quelques jours avant le festival, j’ai écouté tes chansons « folk-trash » et j’y ai pris du plaisir. C’est vivant et bourré d’humour; moi qui n’écoute que très peu de chanson francophone, Thomas Fersen et Salut C’est Cool mis à part, ça me parle. Je me faisais donc une joie de venir t’écouter nous raconter qu’ t’pas un cowboy et qu‘la vie c’est d’la marde.

Seulement voilà, j’ai été victime du fameux dilemme du festivalier : on voudrait tout entendre, et on sait que c’est impossible. Or, au même moment que toi, Ibrahim Maalouf jouait sous le Cabaret. J’étais bien embêté… Mais grâce au Bout du Monde, qui programme deux fois dans la journée les artistes des petites scènes, je me suis dit que j’irais t’écouter, toi d’abord, puis Ibrahim Maalouf le soir. C’était avant que l’on ne me propose d’interviewer l’un des trompettistes de ce dernier… je me suis donc senti un peu contraint d’intervertir mes prévisions.

Pas grave, je pensais.

Alors, un peu avant 17h00, je me rends sous un chapiteau gorgé de monde. Je comprends pourquoi quand la musique démarre, et pendant tout le set je suis submergé d’émotions : c’est intense et chaleureux, génial (dans le sens propre du terme, de l’ordre du génie, intelligent, subtil) et partagé. Trois trompettistes et Ibrahim Maalouf se questionnent, se répondent.

Il y a du velours dans la guitare de François Delporte, il y a du rock dans la guitare de François Delporte. François Delporte (ancien professeur de rock, et hard-rock en Belgique, avant de se tourner vers le jazz, notamment au contact de Dirk Schreurs, Ron Van Rossum, Diederik Wissels et Kris Defoort) joue et jongle de ces influences. Affublé d’un t-shirt de Nirvana, Laurent David se démène à la basse tandis que le virtuose Stéphane Galland (également batteur emblématique d’Aka Moon) soutient l’ensemble avec une justesse détonante. Franck Woeste (que l’on a pu rencontrer par ailleurs avec son trio, ou encore avec Médéric Collignon) assume la dimension de recherche inhérente au jazz et c’est aussi cela qui transperce dans son jeu, dans les notes de son Fender Rhodes, qui se superposent, s’entremêlent au reste et scintillent dans mes oreilles. L’engagement et la concentration d’Ibrahim Maalouf sur scène (dont le sourire persiste malgré l’intensité de son jeu)… rarement j’ai « ressenti la musique » comme à ce moment.

Comprends-moi Lisa, je ne t’avais pas oubliée, mais quand Ibrahim annonce que son concert est scindé en deux parties distinctes et que nous aurions cette deuxième partie plus tard dans la journée, le dilemme du festivalier s’impose à nouveau à mon esprit, et je décide d’y assister.

Et vers 22h30, je délaisse Ben l’Oncle Soul pour me diriger à nouveau vers le Cabaret de Seb. Une deuxième partie de concert, plus incroyable encore, plus folle, plus extrême, plus électrique. Ibrahim Maalouf, heureux d’être là, ses musiciens, heureux d’être là, le public, heureux d’être là, et moi… heureux d’être là. Quand la musique se tait, nous sommes tous sonnés de l’expérience musicale qu’il nous a été donné d’entendre.

Je suis déçu de ne pas t’avoir vue Lisa. On m’a rapporté (les amis, le camping…) que tes musiciens ont crowd-surfé dans le public et que tu ne chantais plus tellement tu riais. J’aurais adoré voir ça. Au stand de la radio, ton premier mot, ton « bonjour » parfumé de ton accent si reconnaissable, me console un peu.

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