Mix Mex est l’heureuse rencontre entre la compagnie finistérienne de marionnettes et de théâtre Tro Héol et du roman de Luis Sepulveda intitulé Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis (Métailié, 2012). Ce très beau spectacle a fait fondre de plaisir les enfants et leurs parents ce dimanche 19 mars à la Maison du Théâtre de Brest.
Mais entrons tout d’abord dans l’univers très intime de Max et de son chat Mix. Imaginez un appartement au mobilier très minimaliste au dernier étage d’un immeuble. Tout est organisé pour que Mix ne s’ennuie jamais : une fenêtre par laquelle il voit défiler les journées et les saisons, une échelle qui lui permet d’accéder à une petite trappe donnant sur les toits de son quartier, et même les pantoufles de son maître – deux souris toujours en train de le narguer – qui sont faites pour lui. La vie est donc paisible pour ce chat qui prend vie sous nos yeux car, doit-on le préciser, Mix est une marionnette à poils longs. « C’est un vrai chat ? », me demande ma fille très étonnée de le voir gambader, s’étirer, se mettre en boule et même miauler comme s’il avait été engagé expressément pour ce rôle. J’aime, moi aussi, ce moment où le marionnettiste semble disparaître derrière celui qu’il manipule, comme s’il lui avait insufflé la vie. L’illusion marche à la perfection.
La vie est un peu moins belle pour Max, interprété par Christophe Derrien, que la recherche d’un emploi désespère un peu plus chaque jour. Le temps passe quand, un jour, la vie bascule subitement pour nos deux protagonistes. Alors qu’il est effrayé par le son de la guitare électrique de son maître, Mix se réfugie sur le toit mais la pauvre créature a vieilli et n’est plus aussi agile que lorsque nous l’avions vue dans la scène inaugurale. Il chute lourdement et le verdict du vétérinaire sera sans appel : le vieux chat est aveugle et sera contraint de porter des lunettes pour cacher ses yeux jusqu’à la fin des ses jours. De son côté, Max apprend qu’il a enfin trouvé du travail… C’en est fini des longues après-midis passées à deux.
Peut-être pour Max mais pas pour Mix. Une petite souris très volubile et alléchée par l’odeur des céréales entre en scène. On se méfie dans un premier temps. Puis la conversation s’engage chaque jour davantage et on finit par se faire confiance : preuve en est que la souris demande à Mix de lui donner un prénom. Le chat est bien embêté. Il cherche désespérément… Quand tout à coup, une idée jaillit : « Mex » finit par lui venir à l’esprit. Eh oui, notre souris vient du Mexique. Ay caramba ! Ils ne se quitteront plus désormais jusqu’à la scène finale où ils partent tous les deux pour une longue promenade sur les toits. Comment est-ce possible quand on est aveugle ? Rien de plus simple ! Les yeux de Mex serviront à Mix.
Il serait sans doute réducteur de dire que « l’on a souvent besoin d’un plus petit que soi » au sens où La Fontaine l’entendait dans Le lion et le rat. Ici, le rapport de force s’efface assez rapidement entre le félin et sa proie potentielle pour laisser place à une relation d’amitié et de confiance sans faille. Il faut aussi ajouter que Mex, de son côté, a tout autant besoin de Mix pour pouvoir s’accomplir. Elle n’a qu’un seul rêve, celui de devenir une souris volante. Mix est le seul à pouvoir le lui offrir. Ainsi accrochée sur le dos de son ami, elle deviendra ce qu’elle a toujours voulu être en sautant d’un immeuble à l’autre. Ce qui est très beau, c’est de constater comment cette petite souris a su redonner confiance au chat. Il faut donc voir une forme d’accomplissement dans ce duo pour le moins improbable : chacun donne à l’autre, en effet, ce qui lui manque.
On a donc besoin d’un autre que soi. En ces temps troublés, où la peur de l’autre pourrait devenir un leitmotiv, quelle plus belle leçon d’humanité pouvait-on offrir à nos enfants en ce dimanche pluvieux ? Ay Caramba !
Crédits photographiques : la Maison du Théâtre (Brest).