Quelle a été votre plus grande satisfaction lors de ce festival ?
Sans hésiter : la journée anniversaire, qu’on avait organisée le 11 novembre, pour les Brestois. On avait prévu une séance pour les familles puis une pour les adultes, en mettant en place un système de garderie gratuite. Nous étions au début du festival, les professionnels n’étaient pas encore arrivés. Parmi les spectateurs, on voyait de nombreux jeunes parents, qui avaient été bénévoles au festival dans le temps, et qui maintenant ont 40 ans et viennent avec leurs enfants. C’était une très belle journée.
Et quelle a été votre plus grande surprise ?
La battle de « Brestoâ », qui s’est tenue le samedi 14 au soir. Depuis quelques années, elle se faisait entre des programmateurs européens, dans un style, disons, un peu trash. Cette année, nous avions choisi de faire s’affronter des Brestois, qui connaissent bien le festival, qui le suivent depuis longtemps. Le public pouvait voter de manière interactive. Cette soirée a très bien fonctionné, on a eu une très belle séance de courts métrages, très ludique pour un samedi soir, et, étant donné l’actualité, le ton était juste.
Il se trouve que les combattants avaient un peu changé le ton de la soirée, pour être plus dans le partage que dans la battle. De plus, presque tous les films parlaient d’amour.
À ce stade d’existence du festival, comment pensez-vous faire évoluer le travail de votre association ?
Nous souhaitons allier un contenu de qualité et une dimension événementielle. C’est un travail qui se déploie sur l’année. Il nous faut travailler « l’habillage » pour que les spectateurs viennent à ces films intelligents, qui parlent du monde. Nous pensons multiplier les séances comme celle que nous avons organisée en plein air, début juillet, sur le thème des « vieux qui ont la pêche ».
Il nous semble qu’il faut davantage d’événements dans l’année et sous davantage de grandes formes, en s’associant aussi avec d’autres disciplines. Par exemple, s’il se passe un événement autour de la mer, nous pouvons proposer une sélection de courts métrages. Il en va de même pour un événement sportif, culturel ou artistique.
La diversité des thèmes abordés par les courts métrages est extrême. Il faut que le court reprenne la place populaire qu’il avait il y a quelques décennies. Les spectateurs ont perdu l’habitude de voir des films courts, alors que ce n’est pas du tout un genre élitiste. Il propose des sujets qui permettent la discussion, l’échange. Le court, c’est aussi un bon moment à partager. Les entreprises organisent des journées de cohésion pour leurs salariées. Pourquoi ne pas mettre en place une séance de films, avec un moment de convivialité, de discussion, c’est original et enrichissant.
30 ans, c’est donc un cap ?
Il nous faut rebondir vite et dès le 31ème, proposer des nouvelles pistes. Le travail de croisement avec les autres disciplines devra être perceptible dans le festival, ce que permettent les programmes thématiques, ou les démonstrations publiques.
Notre objectif n’est pas seulement de montrer des films mais aussi de créer des rencontres. Nous souhaitons que les spectateurs viennent aussi aux ateliers, aux rencontres avec les professionnels, observent le processus de création artistique. Le festival est surtout un temps collectif, un temps de partage, où on peut discuter, ne pas être d’accord.
Au festival, l’espace et le public sont captés mais cette logique est à développer dans l’année, à l’occasion de séances spéciales plus régulières. Nous souhaiterions notamment beaucoup être présents aux Capucins, travailler avec la médiathèque. Elle disposera de salles qui permettent de faire des ateliers, des démonstrations.
Comment analysez-vous les choix qu’ont faits le jury ?
Il faut admettre que les films primés ne sont pas... rigolos, mais ce n’est pas pour autant un festival élitiste. Ces films-là représentent en effet une exigence cinématographique. Le cinéma européen court est ancré dans la réalité contemporaine. Dans le film court, on trouve peu de films historiques et de genre ; ils abordent souvent des thèmes sociaux, liés à l’Europe d’aujourd’hui. On peut donc comprendre qu’il n’y a pas forcément beaucoup de gaité. Ce sont des films beaux mais difficiles.
Après, les spectateurs ont aussi besoin de voir des formes plus plastiques, ludiques, expérimentales. De même qu’en sport, il y a des niveaux, c’est pourquoi nous proposons des programmes de découverte, y compris pour les adultes. Ils portaient le logo D comme découverte.
Vous avez programmé une séance « Cocotte Minute » ?
Le programme « Cocotte Minute » (films très courts, sans dialogues) a en effet été exhumé pour les 30 ans. C’est un programme que nous avions arrêté à regret, faute de films. Nous avons donc programmé cette séance rétrospective de dix-sept films, pour le plus grand plaisir de tous.
Quelles étaient les particularités de la composition du jury cette année ?
C’était un jury multidisciplinaire. Todd Antony est photographe. Il vit à Londres, et son travail présente de nombreux liens avec le cinéma. Christophe Le Masne et Claude Duty sont réalisateurs, ils ont une longue expérience. Ce dernier a réalisé plus de trente courts métrages et trois longs. Il animait une émission sur Canal +, « Court Ciné ». Yelle, qui est une chanteuse briochine, a aussi été comédienne dans Une pute et un poussin. C’est une personne engagée aussi, notamment dans le cadre d’une campagne contre cancer du sein. Claude Le Pape, elle, est la co-scénariste du film Les Combattants, elle est aussi la scénariste d’un film du Brest off.
Observe-t-on des esthétiques particulières à certains pays européens ?
Le cinéma britannique est immédiatement repérable, et il y a bien sûr des identités. Mais ce qui me frappe le plus, ce sont les pays qui deviennent des pays du cinéma, comme la Roumanie. L’Islande m’intéresse aussi : on reçoit chaque année deux ou trois films, et cette année, l’un d’eux est primé : Thu Og eg, réalisé par Asa Hjorleifdottir. L’Islande compte 330 000 habitants, et elle produit, proportionnellement, beaucoup de films courts. Mentionnons aussi la Croatie, qui compte maintenant de grands studios prestigieux, ce qui influence la créativité dans le pays.
Aujourd’hui, le film court reste-t-il un laboratoire ou est-il en train de redevenir un genre à part entière ?
C’est résolument un genre mais le film court reste un espace de test, car c’est une genre qui permet beaucoup de choses. Il offre une incroyable liberté de parole, de format, une grande fantaisie, de l’originalité.
A noter : La séance de Noël au Mac Orlan, mercredi 16 décembre à 14h, dans le cadre du dispositif Passeurs d’image. La séance est gratuite.
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Notre entretien avec Yelle, chanteuse et membre du jury pendant le festival.