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Le festival Invisible débute par une performance d’Arington de Dionyso au Studio Fantôme (hier et aujourd’hui et se termine dimanche 22 par un concert jeune public (Chansons Robot) au Quartz. Entre deux, c’est un week-end de concerts et d’expériences soniques à la Carène !
à l’affiche : Faust, l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, King Champion Sounds (avec G.W. Sok), Arington de Dionyso, le Cercle des Mallissimalistes, Güz II, Delgado Jones & The Brotherhood… Sans manquer une performance de Déficit des années antérieures et les afters de DJ Claude Madame.
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Marguerite Castel : Déjà la neuvième édition pour le festival Invisible, quelle est l’histoire de cet événement singulier du paysage musical brestois ?

Invisible : C’est le pari de la curiosité. Nous nous intéressons aux originaux du rock depuis longtemps, car ils échappent aux caractérisations, cultivent une ligne esthétique sur une base rock que l’on pourrait qualifier de hors piste très créative. Cette scène internationale très riche n’était pas programmée à Brest. Alors on s’est lancé, il y a presque dix ans, en faisant des paris insensés, en traitant avec les artistes directement de mano a mano.

Ces groupes vont chercher loin pour créer, sous terre, de manière très active, là où tout le monde ne peut pas suivre. Nous aimons cette énergie qui navigue dans le centre de la terre car nous nous méfions du tintamarre de la surface d’un système convivial et médiatique. Cela nous a ouverts pour évoluer vers d’autres musiques en marge. Aujourd’hui, nous sommes quatre à programmer, car il y a une nouvelle génération de collectifs et de projets à suivre. David Crenn et Vincent Le Guilloux sont trentenaires, ils nous ont rejoints pour nous permettre d’ouvrir les propositions.
Nous suivons pour ainsi dire le mouvement depuis ses grands frères… Tel l’américain Eugène Chadbourne, une vraie légende vivante de ce rock underground aux sonorités excentriques qui flirte avec le punk jazz et le country. Compositeur, improvisateur, banjoïste et guitariste, il a six cents albums à son actif et de nombreuses collaborations tous azimuts (avec Violent Femmes notamment). C’est un monstre du rock improvisé ! Le groupe Camper Van Beethoven de Californie est aussi très inventif, il crée en auto-production authentique et sans préoccupation d’avoir un public.

MC : Quelle est la réalité de cette mouvance underground que vous mettez en avant, en France et en Europe ?

Invisible : Certains artistes peuvent êtres programmés aux Transmusicales à Rennes ou dans des petits festivals, à Boulogne-Billancourt, à Cherbourg… En France, il y a le groupe historique Magma qui incarne un rock progressif radical et que nous avons programmé en 2009. De même en Allemagne, Faust est à la tête du krautrock depuis les années 70 et a influencé la musique industrielle et noisy. Il a repris là où le Velvet Underground s’était arrêté… Après une rupture, Faust s’est reformé au début des années 90, en deux branches, avec toujours autant d’abrasivité et de créativité.
En dehors des dinosaures, il existe aujourd’hui une multitude d’artistes et de collectifs qui enrichissent la scène de performances pluridisciplinaires, associant le son, la vidéo, le dessin etc.
On verra notamment durant le festival, le Cercle des Mallissimalistes (Bordeaux), un orchestre chamanique qui sera rejoint par le cinéaste Xavier Quérel (Grenoble) qui, comme un cinquième membre du groupe, jouera de la projection et de la lumière comme d’un instrument.
Delgado Jones & the Brotherhood (Morlaix) est le nouveau projet de Jacques Creignou (Poor Boy), qui a rejoint Le Studio Fantôme, notre collectif d’artistes constitué autour du festival et du label L’Eglise de la Petite Folie. Nous avons d’ailleurs monté le nouveau projet de concert dessiné « Chansons Robot » au sein de ce collectif basé à Brest.
Dans ces univers et à différentes échelles, les musiciens se croisent souvent et remontent des projets. On verra notamment King Champion Sounds, une nouvelle fanfare anglo-hollandaise punk et poétique dans laquelle on retrouve Ajay Saggar et G.W. Sok (The Ex).

MC : Qu’est-ce qui motive cette attention portée au jeune public ?

Invisible : Parce que notre public est aussi constitué de gens âgés de 30, 40 et 50 ans et que, comme nous, ils sont parents et ils veulent transmettre ce qu’ils estiment intéressant à leurs enfants. Et puis, il existe aussi une vraie scène jeune public, avec des gens comme Pascal Ayerbe, Trio pour un petit pois. Ce musicien bidouille avec des petits instruments et des fils de fer, il travaille avec un plasticien.
Nous présenterons notre nouveau projet du Studio Fantôme, le concert dessiné Chansons Robot de l’équipe Chansons tombées de la Lune qui réunit Arnaud le Gouëfflec, John Trap, Chapi Chapo et Laurent Richard. Ce sera une expérience en direct qui transforme de la musique en dessin grâce à une interaction entre les musiciens et le dessinateur. Une opération alchimique, stimulée par les chansons et les encouragements du public, régulièrement sollicité à participer à la création. Les dessins sont projetés sur grand écran, peu à peu prend forme une galerie de personnages réjouissants, entre petits robots rigolos et paysages cosmiques.
Chansons robots s’adresse aux enfants petits et jusqu’à 10 ans environ ; avec eux l’interactivité est spontanée, la curiosité est naturelle.

MC : Quels sont les temps forts de cette édition 2014 d’Invisible ?

Invisible : Tout ce qu’on a cité mérite qu’on s’y intéresse. Mais s’il faut en souligner… Il y a le mythique Faust bien sûr que nous avons déjà programmé en 2007 mais nous sommes très impatients et curieux de découvrir Arrington de Dionyso. Notamment sa 24 hour drawing performance, une création visuelle sur les murs du studio Fantôme (25m2), en musique et en impro totale. Ce sera un marathon en deux fois douze heures, les 19 et 20 novembre, ouvert au public de 10 h à 22 h, rue du Télégraphe. Son concert à la Carène le samedi promet d’être très « animal » comme lui ; c’est un hippie, musicien et plasticien qui a une grande capacité à performer. Il est à la fois influencé par le blues de Captain Beefheart et la musique indonésienne traditionnelle avec les cloches tubulaires dans une transe punk-rock.
La soirée du vendredi sera aussi percutante avec l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, de Genève. Une formation composée de six musiciens (contre-bassiste, violoniste, guitare, batterie, percussions..) que l’on guettait depuis longtemps et qui est réputée pour ses prestations scéniques. Leur musique évolue entre le pop libre jazzophile et l’Afrobeat suisse. Ils ont signé plusieurs disques produits par John Parish (Festival Jazz à Villette). L’Orchestre a d’ailleurs des connections avec King Champion Sounds, que l’on verra aussi ce soir-là.
On pourra aussi découvrir le dernier projet de Déficit des années antérieures, le groupe chef de file de toute la scène industrielle française des années 80 : Electrification du monde vague, au studio rouge à 18 h le samedi.
Et le festival se laissera pirater par de multiples loufoqueries orchestrées par Vaccuus, le collectif des néantologues et les Chats cosmiques !

MC : A l’aube de sa neuvième édition le festival est devenu visible, non ?

Invisible : C’est sûr qu’Invisible a son public qui vient désormais les yeux fermés… C’est un festival de passionnés qui aiment découvrir sur scène. Nous avons franchi des paliers en 2008, encore sous chapiteau et en 2009 en programmant Magma. Nous avons des partenaires historiques comme La Carène, qui aime valoriser l’expérimental. Nous défendons toujours une ligne esthétique, cette scène underground recèle un grand vivier artistique riche de projets et de collectifs.

About the Author

Journaliste freelance, Marguerite écrit dans le Poulailler par envie de prolonger les émotions d’un spectacle, d’un concert, d’une expo ou de ses rencontres avec les artistes. Elle aime observer les aventures de la création et recueillir les confidences de ceux qui les portent avec engagement. Le spectacle vivant est un des derniers endroits où l’on partage une expérience collective.

 

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