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Spectacle programmé au festival Mettre en Scène de Rennes la semaine précédente, Un Homme qui fume c’est plus sain, une des dernières créations du collectif Bajour, a réjoui le public de la Maison du théâtre, le 10 novembre 2016. Je ne connaissais pas du tout ce collectif: quelle belle surprise !

Il faudrait, enfin, je voudrais… (si l’on suit l’exemple des personnages). Je veux donc haut et fort saluer le talent de la troupe d’acteurs qui forme une partie de ce collectif. J’ai perçu non seulement une alchimie évidente entre eux sur scène (grâce à leurs trois années d’études ensemble à l’école du TNB), mais plus que cela, leurs corps eux-mêmes sont liés et connectés, si l’on peut dire. Ils les utilisent tout au long de la pièce et dans plusieurs scènes. 

La première scène commence d’ailleurs ainsi, avec une part d’enfance où l’on entrevoit ce qu’ils étaient, déjà tous avec leur singularité et leur personnalité bien affirmée. Cette scène de bain, que tous les enfants s’arrachent à tour de rôle est bien faite et très maligne, je trouve : pendant un instant, nous avons un gros plan, un flash-back sur ce qu’ils furent. Puis tout de suite après, sur ce qu’ils sont aujourd’hui. 

Et un fossé s’est créé entre tous. Certains sont restés dans la maison familiale, dans leur ville d’origine de Cholet. Les autres sont partis faire leurs vies dans des plus grandes villes, et surtout loin, très loin de cette maison et de ses souvenirs. Les reproches fusent donc assez vite lors des retrouvailles suite à la mort de leur père. Où est la mère ? On n’y fera jamais allusion pendant la pièce. Comme si ce personnage-là était lui aussi parti, avait fui, mais sans rien dire, en silence. Car il y a d’autres secrets terribles cachés sous le tapis, notamment l’inceste entre les jumeaux de la fratrie, Anaïs et Benoît, dont on n’en parlera ouvertement qu’une fois. Anaïs a-t-elle disparu ? Est-elle partie ? S’est-elle tuée ? Plusieurs flash-back sont mis en place pour re-créer ce moment où Anaïs, si elle n’est pas partie, n’est du moins plus là.

Pour se retrouver, et face à ce deuxième deuil (celui du père), les « enfants » sont des enfants dans les deux sens du terme : les enfants du père, mais aussi les gamins qui s’amusent à jouer ensemble, contents de s’être retrouvés. Et ils jouent, ils jouent au foot, à refaire en équipe les buts et actions du match de la finale de la Coupe du Monde 98 resté mythique, à reproduire un combat de lutte, de catch, à chanter tous ensemble pour leur sœur restante. 

La conclusion de la pièce pourrait être ce fameux « j’aimerais » dont j’ai parlé plus tôt. Ce moment charnière où chaque personnage à tour de rôle dit ce qu’il ressent. Comme si une génération entière souffrait d’avoir l’impression de ne pas dire ce qu’elle veut vraiment. À l’image de la pièce de Lena Paugam, Les sidérées, qui contient une scène très similaire, nous serions dans une ère où dire à haute voix ce que l’on veut VRAIMENT semble impossible. Ces personnages sur scène sortent de leur bouche leurs désirs inassouvis comme si on sortait de leur gorge un morceau de cuivre coincé. Peut-être est-ce symptomatique d’une époque : dans notre époque du paraître, de la sur-technologie, des réseaux sociaux, des téléphones portables, des snapchat, des sms, des twitter et leurs hashtags délicieux à ne rien vouloir dire (#jenairienadire), est-ce que l’on se parle vraiment encore ? Est-ce que l’on peut encore vraiment se parler ?

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