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Mamies guitares

Daniel Scalliet anime des ateliers d'écriture à travers l'hexagone. Avec le musicien Mathieu Sourisseau, il dirige une performance « artistique » auprès d'un public de femmes seniors éloignées de la pratique instrumentale pour leur offrir un temps d'expression éphémère et original.

Marguerite Castel : En quoi s'agit-il d'une performance artistique alors que votre public pas de pratique d’un instrument?

Daniel Scalliet : C'est une expérience avant tout. On ne prétend pas apprendre à ces femmes à jouer de la guitare électrique en cinq jours. Mais on va les diriger comme une chorale en leur adressant certains signes de la main selon des dynamiques et des nuances. Les guitares sont accordées en open tuning, il n' y a donc pas de dissonance, ce n'est pas une cacophonie. Elles utilisent les guitares comme des résonateurs, qu'elles frottent avec différents objets. Leur matière sonore évolue, parfois avec improvisation.

Pourquoi avoir choisi la guitare électrique comme instrument en support de leurs paroles?

Parce que c'est un instrument qui a révolutionné la musique au lendemain de la Seconde guerre mondiale, c'est un symbole fort de liberté. Et puis associer des guitares à des mamies, ça bouscule les habitudes, alors que les deux se sont normalisées dans la société.

Qui sont ces Mamies? Comment les avez-vous rencontrées?

Elles ont été proposées par différentes associations de Brest lorsque l'on a lancé ce projet. Nous les avons rencontrées et retenues en fonction de leur curiosité, de leur envie de partir dans cette aventure, de prendre des risques.

Ce sont des femmes indépendantes avec différents parcours de vie. L'une a connu la Libération à Paris, l'autre des attentats à Paris dans les années 80 et une autre est née au coeur de la guerre d'Algérie. Malgré ces « bagages », elles ne s'isolent pas, elles ne sont pas fanées, elles affirment leur liberté car elles ont compris que radoter c'est mourir.

Quelle tonalité ressort de vos premiers jours de travaux?

À la différence du groupe de Toulouse qui tournait beaucoup autour de la place de la femme (notamment par rapport aux hommes), le propos de mamies brestoises touche à l'universel. Il a été marqué par les attentats à Paris du week-end, c'est indéniable, mais pas seulement. Leur parole n'est pas tournée vers le soi, mais vers une quête d'unité. Elles expriment leur parole que je guide durant la séance, j’en retiens ensuite les correspondances et le soir je compile le tout pour viser une cohérence. Ce n'est pas un atelier d'écriture traditionnel et on n'est pas là non plus pour soigner une pathologie ni pour faire du rock! Elles acceptent de s'aventurer vers des formes qu'elles n'ont jamais explorées. L'intérêt tient justement du fait qu'elles soient amatrices. Cette expérience serait impossible avec des musiciens, il n'y aurait pas ce lâcher prise qui leur permet de se laisser embarquer et de nous faire confiance. C'est une création éphémère, dont la beauté vient de cette fraîcheur.

Restitution de l'atelier/concert des Mamies Guitares, vendredi 20 novembre à 12 h 30 à l'Espace L' Cause puis à la Carène à 20 h 30.

About the Author

Journaliste freelance, Marguerite écrit dans le Poulailler par envie de prolonger les émotions d’un spectacle, d’un concert, d’une expo ou de ses rencontres avec les artistes. Elle aime observer les aventures de la création et recueillir les confidences de ceux qui les portent avec engagement. Le spectacle vivant est un des derniers endroits où l’on partage une expérience collective.

 

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