Lutter aujourd’hui

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Il est bien difficile de croire encore dans les vertus de la représentativité politique traditionnelle en régime démocratico-cathodique avancé.
Un spectre hante la gauche française, qui semble le séduire bien plus qu’elle ne le tourmente. Appelons cette actuelle tentation de l’Occident la droite extrême.
Les professionnels de la res publica, prisonniers d’une langue exsangue et de logiques d’appareils elles-mêmes soumises à la pression médiatique, sont contraints de calculer, à l’aune de leur hypothétique réélection ou de la ligne de leur carrière, la moindre de leur parole, leur plus petit déplacement sémantique.
Questionnez autour de vous les plus jeunes, ces âmes paraissent aussi mortes qu’inaudibles.

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Les plus anciens, dont la Résistance avait forgé le tempérament, se désolent de voir de nouveau les ruines s’amonceler.
Pourtant, ici, là, partout, des expériences enthousiasmantes de nature profondément politique s’inventent, de nouvelles solidarités se créent, des corps, des visages, des phrases surgissent, qui reconstituent en nous la force perdue.
Nous désespérions, mais il suffisait d’un bond, hors du rang des meurtriers, ces assassins du possible, pour reprendre confiance, et nous remettre au travail.
Que l’on songe au maquisard René Vautier - dont la vie de combats est un encouragement à ne pas céder sur les valeurs essentielles - au théoricien et cinéaste Jean-Louis Comolli s’insurgeant contre le règne du calcul que représente aujourd’hui la prolifération des images numériques, au poète Jean-Marie Gleize revenant à sa façon sur la ténébreuse affaire de Tarnac, aux écrivains Leslie Kaplan, Philippe Sollers, Sophie Pujas ou Eric Hazan, réinventant Paris, la dialectique hégélienne et les dérives psychogéographies, au photographe du mouvement des ruines Laurent Chardon, ou à la cinéaste Pascale Breton fidèle à l’esprit de la Conjuration des Egaux, les raisons d’espérer et de bâtir ensemble un autre monde sont réelles.

Dans la ZAD de Notre-Dames-des-Landes, ou dans la Jungle de Calais, les énergies ne manquent pas – le collectif Mauvaise Troupe, le documentariste Vincent Lapize, le travail des éditions A la criée, la cinéaste Pascale Ferran accompagnée de Roy Arida, la photographe polonaise Asia Zarosinska, la journaliste Laëtitia Gaudin – Le Puil – dont la force d’attraction, à mesure que se fissure l’ancien monde, est de plus en plus considérable.
Enfin, pour qui souhaite ouvrir plus grand les yeux encore, les documentaristes Joshua Oppenheimer, Thierrry Michel et Jean-Gabriel Périot offrent par leurs œuvre récentes un regard passionnant sur le monde tel qu’il peut se faire, se défaire, ou se refaire.

Les images tirées du livre Génération Tahrir (éditions Le Bec en l’air, 2016), sont de Pauline Beugnies pour les photographies, et de Ammar Abo Bakr pour les dessins. Qu’ils soient ici chaleureusement remerciés.


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Dans cet article:

Dessin crédit: Ammar Abo Bakr

Photo crédit: Pauline Beugnies

Génération Tahrir

About the Author

Agrégé de lettres modernes, chargé de cours à l'Université Bretagne Ouest, dont les recherches concernent notamment la littérature contemporaine. Journaliste free lance.